représentation artistique d'une mesure optique dans un système diffusant complexe.
Image d'illustration : représentation artistique d'une mesure optique dans un système diffusant complexe. L’information optique est collectée par le capteur d’une caméra puis traitée numériquement par un réseau de neurones artificiels. © oliver-diekmann.graphics

L'intelligence artificielle au service de mesures optiques à la limite ultime de précision

Résultat scientifique

Lorsque la lumière est diffusée, avec quelle précision un résultat de mesure peut-il être déduit de cette lumière ? Une équipe de recherche internationale a exploré les limites du possible grâce à l'intelligence artificielle.

Références

Model-free estimation of the Cramér–Rao bound for deep learning microscopy in complex media. Starshynov, I., Weimar, M., Rachbauer, L.M. et al. Nat. Photon. Publié le 28 mai 2025
Doi :10.1038/s41566-025-01657-6
Archives ouvertes : arXiv

Aucune image n'est infiniment nette : quelle que soit la qualité de fabrication d'un microscope ou d'une caméra, il existe toujours des limites de précision fondamentales qui ne peuvent être dépassées. Par exemple, la position d'une particule ne pourra jamais être mesurée avec une précision infinie, un certain degré d’incertitude restant inévitable. Cette limite ne résulte pas de faiblesses techniques, mais des propriétés physiques intrinsèques de la lumière et de la transmission de l'information elle-même.

Ces recherches ont été menées dans le laboratoire CNRS suivant :

  • Laboratoire interdisciplinaire de physique (LIPHY, CNRS / Université Grenoble Alpes)

Des physiciens du LIPHY, de l'Université de Glasgow (Royaume-Uni) et de la TU Wien (Autriche) se sont posé les questions suivantes : quelle est la limite de précision absolue atteignable avec les méthodes de mesure optiques ? Et comment s'en approcher au plus près ? Cette équipe internationale a calculé une limite ultime à la précision théoriquement atteignable, et a développé avec succès des réseaux de neurones artificiels qui s'en approchent une fois qu’ils ont été convenablement entraînés. Cette stratégie pourrait être utilisée à terme pour améliorer les méthodes d'imagerie actuelles, par exemple pour des applications en imagerie biomédicale.

Pour illustrer l’enjeu de ce travail de recherche, imaginons que nous observons un petit objet situé derrière un rideau de douche translucide. En raison de la diffusion aléatoire de la lumière par le rideau, nous ne voyons pas seulement une image de l'objet, mais des motifs lumineux fortement déformés. La question est désormais : comment pouvons-nous estimer précisément la position réelle de l'objet à partir de cette image, et quelle est la limite ultime à la précision atteignable ? De tels scénarios sont particulièrement importants en biophysique et en imagerie médicale. En effet, lorsque la lumière est diffusée par les tissus biologiques, de l’information concernant les structures les plus profondes de ces tissus est nécessairement perdue. Mais quelle quantité d’information peut-on en principe récupérer ? Cette question dépasse les simples limitations d'ordre technique, car la physique elle-même y pose une limite fondamentale.

Figure  : Principe de l’expérience, dans laquelle une cible réfléchissante est placée derrière un milieu diffusant complexe. L’objectif est de déduire sa position à partir de la lumière réfléchie à l'aide d'un réseau de neurones artificiel, et de comparer la précision des prédictions du réseau à la limite de précision ultime calculée à l'aide de l’information de Fisher.
Figure  : Principe de l’expérience, dans laquelle une cible réfléchissante est placée derrière un milieu diffusant complexe. L’objectif est de déduire sa position à partir de la lumière réfléchie à l'aide d'un réseau de neurones artificiel, et de comparer la précision des prédictions du réseau à la limite de précision ultime calculée à l'aide de l’information de Fisher.

La réponse à cette question est apportée par une mesure théorique appelée information de Fisher. Elle décrit la quantité d'information contenue dans un signal optique bruité concernant par exemple la position d'un objet. Si l'information de Fisher est faible, une détermination précise de ladite position ne sera pas possible, même avec des méthodes d’analyse du signal très poussées. Grâce à ce concept, les chercheurs ont pu calculer une limite supérieure à la précision théoriquement atteignable dans les expériences optiques. 
L’expérience élaborée pour valider la méthode a consisté à diriger un faisceau laser sur un petit objet réfléchissant. Cet objet était situé derrière un liquide trouble, de sorte que seuls des motifs fortement déformés apparaissaient sur les images enregistrées. En présentant de nombreuses images de ce type (chacune avec une position d'objet connue) dans un réseau de neurones, celui-ci a pu apprendre quels motifs étaient associés à quelles positions. Après un entraînement suffisant, le réseau était en mesure de déterminer la position de l'objet avec une grande précision, même avec des motifs nouveaux et inconnus. De manière remarquable, la précision des prédictions du réseau était à peine inférieure à la précision théoriquement atteignable, calculée à partir de l’information de Fisher, prouvant que les réseaux de neurones artificiels mis en œuvre dans cette étude sont quasiment optimaux vis-à-vis des lois de la physique.

Ce résultat est susceptible d’avoir des conséquences significatives : à l’aide d’algorithmes intelligents, les méthodes de mesure optique pourraient être améliorées dans de nombreux domaines tels que l’imagerie médicale, la science des matériaux et à la technologie quantique. Dans le cadre de futurs projets, les chercheurs de ce projet souhaitent collaborer avec des départements de physique appliquée et de médecine afin d'implémenter ces méthodes utilisant l'IA dans des applications concrètes.

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Contact

Dorian Bouchet
Chercheur CNRS au Laboratoire interdisciplinaire de physique (LIPhy)
Communication CNRS Physique