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Champ de densité 3D dans une simulation numérique de la turbulence BEC dans un piège à potentiel cubique. © Y. Zhu, B. Semisalov, G. Krstulovic, and S. Nazarenko

Turbulence en cascade chez les bosons !

Résultat scientifique

Un travail théorique portant sur les condensats de Bose-Einstein maintenu en turbulence stationnaire permet de prédire exactement la façon dont l’énergie et la densité se structurent en moyenne dans les différentes échelles du système.

Au milieu des années 1920, Bose et Einstein ont prédit que certaines particules atomiques, connues depuis sous le nom de bosons, pourraient dans certaines conditions présenter un comportement quantique à l’échelle macroscopique. En effet, lorsqu'un gaz dilué de bosons est refroidi à des températures proches du zéro absolu (-273⁰C), une fraction macroscopique du gaz occupe l'état quantique fondamental du système. Il aura fallu attendre 70 ans pour avoir la première réalisation expérimentale de cet état singulier de la matière, appelé un condensat de Bose-Einstein (BEC). Depuis, les BECs font l'objet d'intenses études expérimentales et théoriques. En particulier, au cours de la dernière décennie, l'excellent contrôle expérimental de ces condensats auquel sont parvenus les scientifiques a permis de les sortir de leur état d’équilibre et d’étudier leur dynamique de façon contrôlée et reproductible, allant même jusqu’à l’étude de des propriétés statistique de BECs turbulents.

Dans un BEC turbulent, du fait des propriétés non linéaires intrinsèques du système, l'énergie est transférée des grandes vers les petites échelles par un processus en cascade analogue à la turbulence hydrodynamique classique. En plus de l'énergie, le nombre de particules impliquées dans une échelle donnée suit également une cascade turbulente, mais dans le sens inverse, des petites aux grandes échelles. Une collaboration réunissant notamment des équipes de l'Institut de physique de Nice (INPHYNI, CNRS / Université Côte d'Azur) et du Laboratoire J.L. Lagrange (LAGRANGE, CNRS / Observatoire de la Côte d'Azur / Université Côte d'Azur) a réalisé une étude théorique et numérique de ces cascades turbulentes. En particulier, ils ont révisé de façon critique les théories existantes et en ont déduit de nouvelles prédictions analytiques pour les lois d’échelle décrivant la façon dont l’énergie et les particules se répartissent statistiquement selon les différentes échelles du système. De par leur précision, ces prédictions permettent d’envisager une comparaison avec les expériences sans avoir à ajuster aucun paramètre inconnu. De ce fait, les chercheurs ont pu valider quantitativement leurs prédictions, à l'aide entre autres de simulations numériques à haute résolution de l'équation de Gross-Pitaevskii décrivant les BEC.

Ces nouveaux résultats expliquent et résolvent certaines contradictions qui existaient dans les résultats expérimentaux antérieurs et suggèrent des nouvelles expériences pour créer une cascade inverse de l’énergie dans les BEC, inobservée à ce jour. Cette étude a fait l’objet d’un article publié par Physical Review Letters.

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Figure : Champ de densité 3D dans une simulation numérique de la turbulence BEC dans un piège à potentiel cubique.
© Y. Zhu, B. Semisalov, G. Krstulovic, and S. Nazarenko

 

Références

Direct and inverse cascades in turbulent Bose-Einstein condensate, Y. Zhu, B. Semisalov, G. Krstulovic, and S. Nazarenko, Physical Review Letters, paru le 27 mars 2023
DOI :10.1103/PhysRevLett.130.133001
Archives ouvertes : arXiv 

Contact

Sergey Nazarenko
Directeur de recherche CNRS, Institut de physique de Nice
Giorgio Krstulovic
Chargé de recherche CNRS, Laboratoire J-L Lagrange
Communication CNRS Physique