Reproduire au plus près la complexité de la carapace du scarabée, une nouvelle étape dans le biomimétisme

Résultat scientifique

Imiter les carapaces mosaïquées des insectes permettrait de créer des matériaux sophistiqués pour l’optique, à condition de restituer la complexité de leur structure torsadée. Des physiciennes et physiciens de Toulouse ont inventé une conception biomimétique générique en reproduisant la carapace striée du scarabée Chrysina gloriosa. Des prototypes de tags optiques pour la cryptographie s’ajoutent à cette avancée conceptuelle.

Les matériaux biomimétiques restituent difficilement la complexité des structures biologiques. Les carapaces irisées des insectes sont rarement reproduites en biomimétisme photonique, où l'aile de papillon règne en maître. Pourtant, leurs répliques aux propriétés physiques uniques fondées sur la structure torsadée de la chitine permettraient la réalisation de composants focalisant, réfléchissant, polarisant, redirigeant à façon la lumière, pour la capture et la conversion de l’énergie, la communication et le traitement du signal. Des physiciennes et des physiciens du Centre d’élaboration de matériaux et d’études structurales (CEMES, CNRS/INSA Toulouse/ Université Toulouse-III-Paul-Sabatier) ont reproduit la carapace striée du scarabée Chrysina gloriosa faite d’un réseau de bandes vertes et argentées. Une réalisation complexe car plusieurs exigences étaient à satisfaire : allier la discontinuité des couleurs en surface à la continuité en volume des structures responsables, produire un matériau fait d’une seule pièce, recourir à une économie de moyens en termes d’éléments (non métalliques), d’outils d’élaboration et d’étapes, car une écoconception était visée. Les résultats sont publiés dans Nature Communications.

Le protocole expérimental repose sur une diffusion thermique dirigée transversalement dans une bicouche de cristaux liquides torsadés et vitrifiables. Sa surface est soumise à des différences locales d’orientation moléculaire, pour texturer le matériau à deux dimensions tout en respectant la continuité en volume des structures. Avec ce procédé, les propriétés physiques ne proviennent pas d’une impression de surface mais de la structuration interne d’un matériau mono couche libre de toute interface — un point-clé de la réalisation. Cette écoconception offre une grande polyvalence de motifs chiraux irréalisables par dépôt sous vide de couches métalliques, gaufrage par gabarit ou diverses lithographies. L’imagerie par microscopie électronique en transmission des matériaux biologiques et synthétiques est réalisée au Centre de biologie Intégrative de Toulouse (CBI, CNRS/ Université Toulouse-III-Paul-Sabatier). Une comparaison critique d’une douzaine de critères révèle un biomimétisme structural et photonique exceptionnellement élevé.

Des réalisations concrètes de tags optiques pour la cryptographie et le chiffrement sont également présentées. Un motif inclonable et de taille variable, du millimètre au micromètre, peut être caché dans un objet et révélé par un processus thermique ou un examen au microscope. Avec ces applications en communication optique, les auteurs poursuivent le biomimétisme jusqu'aux aspects fonctionnels car les insectes utiliseraient les motifs colorés et polarisés de leur carapace pour communiquer avec leurs congénères et d’autres espèces, ou pour se camoufler.

Mitov_2020
Chrysina gloriosa, échantillon biomimétique avec fragment de carapace, et vue de principe d’une paire de bandes verte et argentée. Les caractéristiques géométriques à respecter sont reportées. Le réseau de lignes parallèles vu sur les plans latéraux représente la structure hélicoïdale interne. La distance entre deux lignes est reliée au pas de vis de l’hélice. L’axe hélicoïdal est  perpendiculaire aux lignes.
© Michel Mitov, CEMES (CNRS)

 

Référence

Biomimetic design of Iridescent Insect Cuticles with Tailored, Self-Organized Cholesteric Patterns. Adriana Scarangella, Vanessa Soldan et Michel Mitov, Nature Communications, le 14 août 2020.
DOI: 10.1038/s41467-020-17884-0
Article disponible sur la base d’archives ouvertes HAL

 

Contact

Michel Mitov
Directeur de recherche au CNRS, Centre d’élaboration de matériaux et d’études structurales
Communication CNRS Physique