Cartographier mécaniquement le champ lumineux de photons confinés

Résultat scientifique

En cartographiant avec une sonde de force nano-mécanique le champ lumineux dans une cavité optique, des chercheurs ont pu étudier l'action de la lumière sur des nano-fils de 100 nm de diamètre.

L’optomécanique en cavité permet ainsi de mesurer de très petites déformations et de tester les limites ultimes de sensibilité de la mesure, lorsqu’elle se heurte à la nature quantique de la lumière. Jusqu’à présent, la faiblesse de l’interaction nécessitait de travailler avec un très grand nombre de photons dans la cavité, masquant ainsi une partie des effets fondamentaux qui peuvent apparaître avec un seul photon. Une nouvelle approche développée à l’Institut Néel (NEEL, CNRS/Univ. Grenoble Alpes/Grenoble INP) en collaboration avec le Laboratoire Kastler Brossel (LKB, CNRS/Sorbonne Univ./ENS Paris/Collège de France), a permis d’approcher le régime de l’optomécanique au photon unique, avec un oscillateur sensible à la force exercée par le champ intracavité peuplé par un seul photon confiné.

Pour cela, les chercheurs ont cherché à augmenter le champ électrique, et donc la force produite par un seul photon peuplant le mode de cavité, en travaillant avec des cavités de grande réflectivité et de très petites dimensions, produites au Laboratoire Kastler Brossel. Ils ont fabriqué et employé des sondes de force ultrasensibles - des nanofils suspendus en carbure de silicium d’une centaine de micromètres de long et de 100 nm de diamètre (donc bien inférieur à la longueur optique employée de 800 nm) pouvant détecter des forces de l’ordre de l’attonewton (10-18 N). Ces nanofils sont alors introduits dans la cavité où ils interagissent avec le champ lumineux confiné. Ils permettent de sonder la structure spatiale de ce champ, autrement dit l'onde lumineuse stationnaire, en repérant ses minimas et maximas grâce à la mesure des forces optiques produites sur les nanofils (cf. illustration). C’est ainsi que les chercheurs ont pu imager et cartographier pour la première fois la force exercée par le champ intracavité et identifier les zones dans lesquelles le couplage lumière-nanofil est maximal. La très grande sensibilité des nanofils suspendus a permis de mesurer les forces dans ces zones jusqu'à des niveaux de lumière très faibles correspondant à moins d'un photon dans la cavité.

Atteindre un tel régime ouvre plusieurs perspectives, en particulier dans le domaine de l’optique quantique car le système fournit une nouvelle ressource non linéaire (si on double le champ électrique la force est quadruplée) fonctionnant à très faible nombre de photons, permettant par exemple de mesurer sans les détruire les fluctuations d’intensité de faisceau lumineux extrêmement faibles. De plus, dans un tel régime, les fluctuations quantiques du champ intracavité deviennent comparables à leur valeur moyenne, ce qui ouvre la voie à l’exploration des forces produites par les fluctuations quantiques d'un tel champ.

Le champ lumineux associé à un seul photon peuplant le mode optique confiné entre les miroirs d’une microcavité optique
Figure : Le champ lumineux associé à un seul photon peuplant le mode optique confiné entre les miroirs d’une microcavité optique est cartographié grâce à la force qu’il exerce sur une sonde nano-mécanique ultrasensible, des nanofils de carbure de silicium de diamètre inférieur à la longueur d’onde. Cette carte représente l'intensité lumineuse diffusée hors de la cavité en fonction de la position du nanofil et permet d’identifier les endroits dans la cavité où l'action de la lumière sur le nanofil sera maximale.
© O. Arcizet, NEEL.

 

Référence

Mapping the Cavity Optomechanical Interaction with Subwavelength-Sized Ultrasensitive Nanomechanical Force Sensors. F. Fogliano, B. Besga, A. Reigue, P. Heringlake, L. Mercier de Lépinay, C. Vaneph, J. Reichel, B. Pigeau, et O. Arcizet, Physical Review X, American Physical Society 11 (2), pp.021009, Publié le 8 avril 2021.
DOI :  10.1103/physrevx.11.021009
Article disponible sur la base d’archives ouvertes hal

 

Contact

Olivier Arcizet
Chargé de recherche au CNRS, Institut Néel
Jakob Reichel
Professeur des universités à Sorbonne Université, Laboratoire Kastler Brossel
Communication CNRS Physique