Comprendre les transferts d'énergie lors de la photosynthèse

Résultat scientifique

A l'aide de trois pigments manipulés par microscopie à effet tunnel, des chercheurs et des chercheuses étudient les transferts d'énergie entre molécules en imitant la photosynthèse des végétaux.

La photosynthèse permet aux végétaux de transformer l’énergie solaire en énergie chimique nécessaire à leur croissance. Ce mécanisme est réalisé par un assemblage complexe de molécules organiques, les pigments, ayant pour but de collecter, transporter et transformer l’énergie solaire. Les transferts d’énergie successifs se font par sauts entre molécules voisines, mais également via des phénomènes collectifs, potentiellement cohérents, impliquant simultanément un plus grand nombre de pigments. Mieux comprendre ces effets nécessite de décortiquer ces assemblages de pigments, afin d’étudier séparément le rôle de chaque unité active dans la photosynthèse. Dans cette étude, en adoptant une approche dite « bottom-up », les chercheurs et les chercheuses utilisent des pigments modèles isolés les uns des autres, qu’ils réassemblent ensuite de sorte à former les premières bases fonctionnelles capables de reproduire les mécanismes de transfert d’énergie intervenant dans la photosynthèse. Ces travaux ont été menés par une équipe de l’Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS, CNRS/Univ. de Strasbourg) associée à une équipe de l’Institut Franche-Comté électronique mécanique thermique et optique – sciences et technologies  (FEMTO-ST, CNRS/COMUE UBFC) et ils sont parus dans Nature Chemistry.

Trois pigments différents sont ainsi déposés par évaporation sur une surface en très faible quantité, afin de disposer de molécules éloignées les unes des autres. Un microscope à effet tunnel permet de visualiser chacun des pigments, puis de les manipuler un à un, de sorte à former des structures proches des briques élémentaires observées dans les systèmes photosynthétiques naturels. Un premier pigment, dit donneur, absorbe une excitation. Un second joue le rôle d’intermédiaire qui, selon sa nature, augmente ou réduit l’efficacité du transfert d’énergie. Un troisième pigment, accepteur, transforme cette énergie en photon. Dans l'expérience, le microscope à effet tunnel est utilisé pour émettre un électron afin de générer une excitation locale d’un des pigments, ce qui permet de reproduire le mécanisme d’absorption d’un photon par un pigment de la plante. L’énergie reçue par l’accepteur est convertie en photons plutôt qu’en énergie chimique. La réaction correspond ainsi à une photosynthèse à l'envers, la capture d'un électron amenant à la libération d'un photon, mais les transferts d'énergie s’opèrent de la même façon.

Cette approche permet de contrôler la distance et l’orientation entre les pigments avec une précision proche de la distance séparant deux atomes et les chercheurs ont ainsi pu mettre en avant le rôle joué par des interactions dans le mécanisme de transfert d’énergie. Elles sont soit de longue portée, de type dipôle-dipôle, soit de courte portée, ces dernières relevant d’un mécanisme, dit d’échange, propre à la physique quantique. Cette étude montre également que, selon sa nature chimique, le pigment intermédiaire peut jouer un rôle de relais actif de l’excitation, amplifier le transfert d’énergie entre deux molécules sans directement intervenir dans le processus, ou partiellement le bloquer.

Ainsi, en utilisant des briques élémentaires similaires à celles utilisées par la plante pour transporter et convertir l’énergie solaire, les chercheurs ont mis au point une plateforme pour reproduire les mécanismes fins de la photosynthèse et, dans un futur proche, les élucider.

Schéma de l’expérience où la pointe d’un microscope à effet tunnel
Figure : Schéma de l’expérience où la pointe d’un microscope à effet tunnel (en gris) est utilisée pour exciter un assemblage de trois pigments proches de ceux impliqués dans la photosynthèse des végétaux. L’excitation générée dans le pigment bleu est transférée, séquentiellement, jusqu’au pigment rouge où l’énergie est transformée en photon (en haut). Image de fluorescence hyper-résolue des trois pigments (en bas).   
(Crédit : Guillaume Schull, IPCMS)

 

Référence

Energy funnelling within multichromophore architectures monitored with subnanometre resolutionS. Cao, A. Rosławska, B. Doppagne, M. Romeo, M. Féron, F. Chérioux, H. Bulou, F. Scheurer, G. Schull, Nature Chemistry. Publié le 24 mai 2021.
DOI : 10.1038/s41557-021-00697-z
Article disponible sur la base d’archive ouvertes arXiv

Contact

Guillaume Schull
Directeur de recherche CNRS, Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg
Communication CNRS Physique