Le développement embryonnaire des mammifères : quand la physique rencontre la biologie
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Chargée de recherche CNRS à l’Institut de Biologie du Développement de Marseille (IBDM, Aix-Marseille Université / CNRS), Sham Tlili travaille à l’interface de la physique et de la biologie du développement, en explorant les lois physiques qui gouvernent la formation des tissus vivants. Elle s’intéresse en particulier aux gastruloïdes, des organoïdes embryonnaires issus de cellules souches de souris, qui reproduisent in vitro les grandes étapes de l’embryogenèse. A l’aide d’outils comme la microscopie 3D, la microfluidique, la modélisation et l’analyse d’image, elle décrypte les mécanismes d’auto-organisation cellulaire qui permettent à ces tissus de construire par eux-mêmes leur forme, leur axe et leur fonction. Pour capter ces dynamiques sans les perturber, elle conçoit des protocoles d’imagerie fondés sur des excitations lumineuses localisées et peu invasives. C’est ainsi qu’elle observe le vivant en construction, afin d’en extraire les lois de la physique à l’œuvre dans ces processus.
« Comprendre la morphogenèse, c’est-à-dire comment les organes acquièrent leur forme et leur fonction a été mon fil conducteur depuis mon master de physique », confie Sham Tlili. Formée à la physique à l’ENS Paris, elle applique aux tissus biologiques les outils de la mécanique (déformation, écoulement, plasticité) et de la physique statistique. Elle considère les tissus vivants en formation comme des matériaux actifs : capables de s’organiser, de se mouvoir et de se transformer. « Un embryon est un matériau vivant qui se sculpte lui-même », résume-t-elle.
Depuis son entrée au CNRS en 2020, Sham Tlili concentre ses recherches sur les gastruloïdes. Ces agrégats tridimensionnels de cellules souches, cultivés in vitro, reproduisent spontanément les premières étapes de l’embryogenèse : différenciation cellulaire, apparition d’organes primitifs mis en place d’axes dans le développement. « Les gastruloïdes sont des systèmes très contrôlables : on peut jouer sur la taille, les conditions initiales et aux limites… Pour une physicienne, c’est un vrai paradis ! ».
Pour suivre ces transformations sans les altérer, elle a adapté aux organoïdes embryonnaires des techniques comme la microscopie biphotonique. Cela permet de visualiser l’intérieur des tissus en profondeur, avec peu de lumière.
Parallèlement, Sham Tlili conçoit ses protocoles expérimentaux et développe ses propres outils d’analyse d’image . « Ma marque de fabrique, c’est de faire à la fois des expériences, de l’analyse d’image et de la modélisation. Je garde ainsi une vue d’ensemble, et je peux optimiser tout le processus, souvent en collaboration avec d’autres chercheurs. »
Ce croisement constant entre observation fine et modélisation lui permet d’explorer, au-delà des images, les forces physiques invisibles qui structurent le vivant. Ainsi, en modélisant les interactions cellulaires via des champs de stress ou des tenseurs, elle tente de comprendre par exemple comment l’identité cellulaire s’organisent dans l’espace. Son but : faire émerger, à partir de ce vivant en perpétuelle transformation, des régularités, des lois universelles.
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