Photo Marc Portail
Marc Portail, © Gregg IACOBBI PEAKING Production

Marc PortailIngénieur de recherche CNRS au Centre de recherche sur l'hétéroepitaxie et ses applications (CRHEA)

Médaille de cristal du CNRS

Marc Portail, des semi-conducteurs aux poussières d’astéroïdes

Entre physique des matériaux et cosmochimie, Marc Portail a trouvé un terrain commun inattendu : la cathodoluminescence. Ingénieur de recherche au Centre de recherche sur l’hétéroépitaxie et ses applications (CRHEA, CNRS / Université Côte d’Azur) à Valbonne, Marc Portail a consacré une large part de sa carrière à l’étude des semi-conducteurs utilisés pour l’électronique de puissance, avant de se spécialiser dans les techniques de caractérisation, comme la cathodoluminescence. Cette méthode consiste à exciter un matériau par un faisceau d’électrons puis analyser l’émission lumineuse, qui va révéler sa composition chimique et ses défauts cristallins. Curieux de tester son potentiel au-delà des matériaux synthétiques à fort potentiel technologique, Marc Portail collabore avec des cosmochimistes de l’Observatoire de la Côte d’Azur pour l’appliquer à des grains météoritiques. Cette collaboration l’a conduit à participer à l’analyse d’échantillons issus de l’astéroïde Bennu, rapportés sur Terre par la mission OSIRIS-REx. Une aventure scientifique amenée à se prolonger…

Rien ne destinait Marc Portail à manipuler des poussières venues du système solaire primitif. Recruté par le CNRS en 2005, il intègre le CRHEA pour développer des procédés de croissance de matériaux à large bande interdite, utilisés en électronique de puissance. Il se spécialise dans la caractérisation de ces couches minces, notamment par cathodoluminescence (CL) : une technique qui consiste à exciter un matériau par un faisceau d’électrons pour en analyser la lumière émise. « Chaque matériau a une signature spectrale propre, qui dépend de ses propriétés électroniques, sa composition, ses défauts et des éléments présents à l’état de traces. »


Longtemps utilisée pour caractériser des matériaux synthétiques comme les semi-conducteurs ou les matériaux géologiques, cette technique va prouver son intérêt pour les matériaux extraterrestres. Il y a une dizaine d’années, Guy Libourel, un chercheur en cosmochimie de l’Observatoire de la Côte d’Azur, lui propose d’analyser des grains météoritiques, des chondres. « On s’est vite rendu-compte que la CL est particulièrement adaptée à ce type d’objet. Elle permet de visualiser des structures internes en couches ou en fronts, qui révèlent les étapes de croissance ou d’évolution du matériau. »

En cosmochimie, l’usage spectral de la cathodoluminescence était marginal. On a voulu apporter un regard de physicien des matériaux sur ces objets naturels.
Marc Portail

Ces travaux leur ouvrent les portes du consortium OSIRIS-REx, mission de la NASA chargée d’analyser des échantillons de l’astéroïde Bennu. En novembre 2023, le CRHEA en reçoit 100 mg. « Recevoir de la matière collectée à des milliards de kilomètres, c’est surréaliste. Un rêve d’enfance... »

Après des préparations minutieuses, Marc Portail et ses collègues en extraient les premières images spectrales. Leurs analyses mettent en évidence une grande variété de phases minérales, notamment des carbonates, dont la répartition et la signature lumineuse révèle une partie de l’histoire vécue entre des roches et de l’eau.

J’ai apprécié la liberté qu’on m’a laissée pour explorer des choses innovantes, originales, sans pression immédiate du résultat.
Marc Portail

En attendant de poursuivre le partenariat avec la NASA, le laboratoire synthétise désormais des minéraux modèles — comme l’olivine dopée au manganèse — pour comparer leurs spectres à ceux des échantillons extraterrestres. Cette collaboration atypique, qui relie la science des matériaux à la cosmochimie, se prolonge donc, pour le plus grand plaisir de Marc Portail.