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Raies d’émission cyclotron provenant de fermions de Dirac dans un puits quantique de HgTe/CdHgTe, en fonction du champ magnétique. © Laboratoire Charles Coulomb

Vers un laser accordable dans le domaine Térahertz

Résultat scientifique

Des chercheurs et chercheuses sont parvenus à générer une intense émission de photons, accordable sur toute la gamme des fréquences Térahertz (THz), à la fois par le champ magnétique et par la densité d’électrons présents dans le matériau étudié. Cette découverte ouvre la voie vers le développement d'une source laser accordable, compacte, et couvrant l’ensemble de ce domaine de fréquence.

L'ambition de développer une source laser couvrant le domaine THz motive les chercheurs depuis plusieurs décennies, du fait du grand potentiel applicatif de la spectroscopie et de l'imagerie THz. Mais encore aujourd’hui, il n’existe que très peu de sources et de détecteurs efficaces et compactes dans cette gamme de fréquences située à l'interface des domaines de l'électronique (micro-ondes) et de la photonique (moyen infrarouge). À la fin des années 50 a été émise l’idée de générer ces ondes THz de façon accordable (c’est à dire modifiable) dans des semi-conducteurs grâce à la résonance cyclotron. Dans une vision classique, la résonance cyclotron est associée au mouvement circulaire et périodique que des particules chargées effectuent dans un plan lorsqu'elles sont soumises à un champ magnétique. Cependant, cette idée, après avoir été testée dans différents matériaux, fut abandonnée. En effet, ce processus n’est efficace pour générer des photons qu’avec de rares systèmes physiques dans lesquels les niveaux quantiques magnétiques, appelés niveaux de Landau, ne sont pas équidistants en énergie. Lorsque ces niveaux sont équidistants en énergie, la désexcitation n’est en effet pas radiative et les photons émis sont immédiatement réabsorbés.

La découverte du graphène, avec la structure de bandes linéaire de ses excitations électroniques (appelées fermions de Dirac parce que la théorie éponyme de l’électron relativiste les décrit également) et la non-équidistance en énergie des niveaux de Landau de ses fermions de Dirac, a ravivé l'intérêt pour les lasers cyclotrons accordables par de faibles champs magnétiques. Cependant, il se trouve que la structure des niveaux de Landau du graphène autorise encore malheureusement suffisamment de recombinaisons non-radiatives pour exclure l’émission cyclotron. De fait, aucune émission cyclotron n'a donc pu y être observée jusqu'à présent, malgré une intense recherche dans cette voie.

Or le graphène n’est pas le seul matériau abritant des fermions de Dirac bidimensionnels. Un consortium international réunissant plusieurs équipes de recherche a proposé une structure alternative comme candidat réaliste pour la création d'un futur laser cyclotron. Il s'agit de puits quantiques de HgTe qui sont structurellement proches de la transition de phase topologique, une proximité qui conduit à la présence de fermions de Dirac dans ce système. Ces chercheurs et chercheuses ont utilisé un dispositif expérimental unique de spectroscopie Landau, disponible au Laboratoire Charles Coulomb (L2C,  CNRS / Université de Montpellier), permettant la mesure de transitions optiques radiatives aux très basses énergies. Ils ont ainsi pu observer une intense émission cyclotron, accordable sur toute la gamme de fréquences THz par le champ magnétique et par la densité électronique, via le contrôle d’un champ électrique.

Cette découverte permet d'envisager le développement d'une source laser compacte, à champ magnétique constant, et accordable sur l’ensemble du spectre Térahertz en ajustant uniquement une tension de grille. Ces résultats sont publiés dans Nature Photonics.

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Légende : Raies d’émission cyclotron provenant de fermions de Dirac dans un puits quantique de HgTe/CdHgTe, en fonction du champ magnétique. Les différentes courbes (et leur couleur) se réfèrent à différentes énergies de détection des photons, correspondant à des fréquences allant de 250 GHz à 3.1 THz. Cette famille de courbes montre indirectement que l’énergie des photons émis varie continûment avec le champ magnétique appliqué. © Laboratoire Charles Coulomb

 

Références

Terahertz cyclotron emission from two-dimensional Dirac fermions. S. Gebert et al., Nature Photonics, paru le 09 janvier 2023
DOI : 10.1038/s41566-022-01129-1
Archives ouvertes : arXiv 

Contact

Frédéric Teppe
Directeur de recherche CNRS au Laboratoire Charles Coulomb
Communication CNRS Physique