Vers un détecteur d’ondes gravitationnelles terrestre à basse fréquence utilisant l’interférométrie atomique

Résultat scientifique

L’observation des ondes gravitationnelles effectuée par les collaborations Ligo (Etats-Unis) et Virgo (Europe) ouvre l’ère d’une nouvelle astronomie dite gravitationnelle. Cette astronomie nous permettra de comprendre la formation et la physique des astres compacts comme les trous noirs ou les étoiles à neutrons. Elle nous renseignera également sur les premiers instants de l’univers inaccessibles par les observatoires optiques et, plus généralement, par la détection dans tout le spectre des ondes électromagnétiques.

Les détecteurs d’ondes gravitationnelles actuels sont optimisés pour la détection d’ondes dont la fréquence est comprise entre 10 et 1000 hertz. Le développement de l’astronomie gravitationnelle passe alors par la conception et la réalisation de détecteurs fonctionnant dans d’autres gammes de fréquences, donnant ainsi accès à l’observation de phénomènes inaccessibles à Ligo et Virgo. C’est notamment le cas du projet européen d’interféromètre spatial eLISA qui vise à observer les ondes gravitationnelles dans la gamme du millihertz. Toutefois, ce nouveau détecteur ne permettrait toujours pas d’observer les nombreuses sources astrophysiques émettant dans la gamme de fréquences intermédiaire comprise entre 100 millihertz et 10 hertz. Des physiciens d’ARTEMIS (CNRS/Univ. Côte d’Azur/Obs. de la côte d’Azur), du LNE-SYRTE (CNRS/Obs. de Paris/UPMC) et du LP2N (CNRS/IOGS/Univ. Bordeaux) viennent de proposer l’utilisation de l’interférométrie atomique pour concevoir un détecteur pouvant fonctionner dans cette gamme de fréquences. Le point clé de leur proposition consiste à réduire significativement le bruit lié aux fluctuations aléatoires du champ de gravité terrestre, dit bruit newtonien, qui masque le signal des ondes gravitationnelles à ces fréquences. Ce bruit provient essentiellement des fluctuations de densité dans l’atmosphère causé par la turbulence, ainsi que des fluctuations de densité du sol causées par les ondes sismiques. Ce travail est publié dans la revue Physical Review D.

La proposition des chercheurs consiste à déployer un détecteur formé par un réseau d’interféromètres atomiques utilisant un laser d’interrogation unique. Les interféromètres forment ainsi un réseau de gradiomètres répartis le long du bras du détecteur d’onde gravitationnelle et dont le signal moyen permet de diminuer la contribution des fluctuations du champ de gravité au profit du signal d’onde gravitationnelle. Avec la configuration proposée dans leur publication, cette méthode permettrait d’observer des signaux d’ondes gravitationnelles d’une amplitude jusque dix fois inférieure aux limites imposées par le bruit Newtonien. Cette proposition théorique s’inscrit dans le cadre plus général de l’Equipex MIGA (Matter wave laser Interferometric Gravitation Antenna). Cet Equipex représente un premier pas vers le développement d’un interféromètre atomique à grande échelle pour la détection des ondes gravitationnelles, et pour la compréhension fine de l’environnement géophysique autour de ces instruments. Collaboration entre 17 partenaires académiques et industriels répartis sur toute la France, cet équipement sera opérationnel en 2018 dans le Laboratoire souterrain à bas bruit (LSBB, CNRS/Univ. Nice Sophia Antipolis/Univ. Avignon Pays de Vaucluse) situé sur le plateau d’Albion, dans le Vaucluse. L’instrument sera organisé autour d’une chambre à vide de 300 mètres dans laquelle seront disposés trois interféromètres atomiques. Au-delà de ses nombreuses applications en géophysique, ce dispositif unique au monde pourrait extraire pour la première fois le signal de l’onde gravitationnelle du bruit Newtonien, une étape essentielle pour l’observation des ondes gravitationnelles sub-Hz sur terre. 

 

En savoir plus

Low Frequency Gravitational Wave Detection With Ground Based Atom Interferometer Arrays 
W. Chaibi, R. Geiger, B. Canuel, A. Bertoldi, A. Landragin et P. Bouyer 
Physical Review D (2016), doi:10.1103/PhysRevD.93.021101

 

Informations complémentaires

Laboratoire Photonique, Numérique, Nanosciences (LP2N, CNRS/IOGS/Univ. Bordeaux) 
Laboratoire national de métrologie et d’essais - Système de Références Temps-Espace (LNE-SYRTE, CNRS/Obs. de Paris/UPMC) 
Astrophysique Relativiste, Théories, Expériences, Metrologie, Instrumentation, Signaux (ARTEMIS, CNRS/Univ. Côte d’Azur/Obs. de la côte d’Azur)

Contact

Rémi Geiger
Walid Chaibi
Stéphane Gaffet
Communication CNRS Physique