Un qubit à électron unique dans un transistor industriel

Résultat scientifique

Une étude démontre qu’il est possible de manipuler le spin d’un électron piégé dans un dispositif CMOS (complementary metal-oxide-semiconductor) sans entraîner une perte de ses propriétés quantiques. Cela ouvre la voie à une fabrication industrielle de qubits.

L’avènement du calcul quantique nécessite d’interconnecter des millions de bits quantiques, ou « qubits ». Plusieurs candidats sont en lice pour constituer la meilleure technologie pour cela. Parmi eux, les qubits de spin en semiconducteurs présentent de longs temps de cohérence (durant lesquels ils conservent leurs propriétés quantiques) et sont compatibles avec des structures CMOS (complementary metal-oxide-semiconductor), une technologie qui a permis l'intégration de milliards de transistors en microélectronique classique. Cela fait donc du qubit de spin un candidat idéal pour une fabrication fiable et évolutive de processeurs quantiques.

Une équipe de l’Institut Néel (CNRS / Université de Grenoble Alpes) en collaboration avec le CEA (IRIG et Leti) s’est ainsi intéressée à la fabrication et la caractérisation de solutions intermédiaires permettant de passer de la conception en laboratoire à des qubits entièrement conformes aux normes industrielles CMOS. En particulier, les scientifiques se sont concentrés sur le qubit de spin d'électron unique dans un dispositif CMOS, à l’aide d’un micro-aimant intégré dans le processus de fabrication.

Ce micro-aimant permet de générer un champ magnétique inhomogène dans lequel l’électron va se déplacer. Lorsque ce déplacement a lieu à une fréquence particulière, le spin de l’électron, qui se comporte aussi comme un nano aimant, va se mettre à tourner. Ce sont les mêmes principes qui sont mis en œuvre dans des mesures de résonance magnétique. Cette méthode a permis d’étudier l’effet de l’environnement de l’électron sur la décohérence de son spin, comme les fluctuations de charge ou de spins nucléaires, ou encore la présence d’états excités liés à la structure cristalline du silicium. Les résultats indiquent que la cohérence du système est limitée par le bruit magnétique induit par les spins nucléaires du silicium naturel, ce qui pourrait facilement être amélioré grâce à l'enrichissement du silicium en isotope 28 non magnétique.

Cette étude publiée dans la revue NPJ Quantum Information fournit ainsi les premières preuves expérimentales de manipulation cohérente d’un électron dans une structure compatible avec la fabrication microélectronique classique.

Illustration Urdampilleta
Figure : micrographie par microscope électronique à balayage du micro-aimant déposé sur le dispositif de type CMOS. Un électron unique est piégé dans le dispositif CMOS et son spin est manipulé par résonance de spin par dipôle électrique grâce au gradient de champ créé par le micro-aimant.

Références

Electrical manipulation of a single electron spin in CMOS with micromagnet and spin-valley coupling, Bernhard Klemt, Victor Elhomsy, Martin Nurizzo, Pierre Hamonic, Biel Martinez, Bruna Cardoso Paz, Cameron Spence, Matthieu C. Dartiailh, Baptiste Jadot , Emmanuel Chanrion, Vivien Thiney , Renan Lethiecq, Benoit Bertrand, Heimanu Niebojewski, Christopher Bäuerle, Maud Vinet, Yann-Michel Niquet, Tristan Meunier et Matias Urdampilleta, NPJ Quantum Information, publié le 23 octobre 2023.
Doi : 10.1038/s41534-023-00776-8
Archives ouvertes : arXiv

Contact

Matias Urdampilleta
Chercheur CNRS, Insitut Néel
Communication CNRS Physique