Un nouveau mécanisme pour manipuler la lumière dans les matériaux ultraplats

Résultat scientifique

Des chercheurs ont mis au point une technique permettant de contrôler la phase d'une onde lumineuse en jouant sur la géométrie de structures nanométriques. Cela ouvre la voie à des composants optiques miniaturisés, capables de manipuler des rayons lumineux avec une précision jamais atteinte.

Les métasurfaces sont des composants optiques ultraplats de nouvelle génération composés d’assemblages de milliers voire de millions de nanostructures aux géométries variées. Les fonctions optiques du composant final (la focalisation d'un faisceau lumineux par exemple) sont entièrement contrôlées par les propriétés de diffusion de la lumière sur chacune de ces nanostructures. Seuls trois mécanismes sont connus pour manipuler la lumière en méta-optique : la diffusion par les nanostructures résonantes, la phase Pancharatnam-Berry et enfin les nanopiliers à indice de réfraction effectif. Des chercheurs du Centre de recherche sur l’hétéro-épitaxie et ses applications (CRHEA, CNRS) en collaboration avec le département « Electrical engineering and computer sciences » (Berkeley, Université de Californie) ont mis en œuvre un nouveau mécanisme physique qui modifie les valeurs de déphasages produites par les nanostructures. Ils utilisent pour cela des concepts de la physique topologique et la présence d'une singularité qu'ils ont mise en évidence dans l’espace des paramètres définissant la géométrie finale des nanostructures (longueur, largeur, hauteur, indice optique, etc.).

Cette singularité correspond à une extinction du faisceau lumineux. L'amplitude de l'onde lumineuse étant nulle, sa phase n'est plus définie. En restant dans les parages de la singularité, il est alors possible de parcourir l'espace des paramètres afin de dessiner des antennes dont les caractéristiques donneront à l'onde la phase désirée, entre 0 et 2π (cf. figure 1). Ce contrôle total du front d'onde permet d'élaborer une interface nanostructurée réfléchissant un rayon lumineux selon un angle bien déterminé, mais aussi d'obtenir des effets de diffusions exceptionnelles, comme les comportements sans réflexion, l'absorption parfaite sur certains canaux de transmission ou réflexion, etc. Ces travaux ont fait l'objet d'une publication dans la revue Science.

De tels composants ont vocation à remplacer une partie des dispositifs optiques classiques, comme les lentilles ou les miroirs servant à contrôler les faisceaux lumineux dans les téléphones portables, les caméras embarquées et autres systèmes portatifs miniaturisés. Plusieurs innovations de rupture, notamment les systèmes nécessitant du contrôle de front d’onde comme les LiDARs ou les dispositifs de réalité virtuelle et augmentée, devraient bénéficier également de cette nouvelle technologie. À plus long terme, ces composants trouveront des applications en photonique quantique, en polarimétrie, et pour la projection d’image holographique (cf. figure 2).

L’évolution de la phase en réflexion
Figure 1 : (A) L’évolution de la phase en réflexion sur une boucle fermée dans l’espace des paramètres géométriques ne permet pas d’accumuler un déphasage conséquent. (B) Lorsque la boucle encercle un zéro, ou encore une singularité topologique, un déphasage d’exactement 2 π.
Les métasurfaces topologiques
Figure 2 : Les métasurfaces topologiques permettent de projeter deux images holographiques différentes lorsque l’on illumine le composant à l’aide d’un faisceau de lumière polarisée gauche (A) ou droite (B).

 

Référence

Plasmonic topological metasurface by encircling an exceptional point.
Qinghua Song, Mutasem Odeh, Jesús Zúñiga-Pérez, Boubacar Kanté, Patrice Genevet, Science, paru le 19 août 2021.

DOI: 10.1126/science.abj3179.
Texte disponible sur les bases d'archives ouvertes HAL.

Contact

Patrice Genevet
Chargé de recherche au CNRS, Centre de recherche sur l’hétéroépitaxie et ses applications
Communication CNRS Physique