Un ascenseur d’Einstein pour préparer les futurs capteurs quantiques envoyés dans l’espace
Une équipe a développé une expérience de laboratoire représentative des futurs capteurs quantiques spatiaux. Grâce à une plateforme expérimentale unique qui reproduit des conditions d’impesanteur, ils ont mesuré avec une précision exceptionnelle l’accélération d’atomes refroidis à quelques millionièmes de degré au-dessus du zéro absolu.
Références :
Atom interferometry in an Einstein Elevator, C. Pelluet, R. Arguel, M. Rabault, V. Jarlaud, C. Métayer, B. Barrett, P. Bouyer, B. Battelier, Nature Communication 16, 4812 - Publié le 23 mai 2025.
Doi : 10.1038/s41467-025-60042-7
Les technologies quantiques ouvrent de nombreuses perspectives pour des applications allant de la physique fondamentale aux applications industrielles requérant la plus grande précision. Les capteurs quantiques constituent ainsi une véritable rupture technologique pour la métrologie de diverses grandeurs physiques, telles que le temps, le champ électrique, le champ magnétique ou encore les ondes gravitationnelles. Parmi eux, les capteurs inertiels quantiques constituent un défi singulier, car ils reposent sur des mesures de gravité, d’accélération ou de rotation, effectuées sur des atomes en chute libre et refroidis à quelques millionièmes de degrés au-dessus du zéro absolu. Malheureusement, leurs performances restent limitées sur Terre, où les activités humaines et les perturbations atmosphériques dégradent la précision des mesures. Pour repousser les limites de ces capteurs, l’objectif est donc de les déployer à terme dans l’espace, et ce d’autant plus que les capteurs quantiques ont clairement été identifiés pour de futures missions spatiales comme candidats de choix pour instrumenter des expériences en orbite de physique fondamentale, ou encore pour l’observation du changement climatique à travers la dynamique des masses d’eau.
Ces recherches ont été menées dans le laboratoire CNRS suivant :
Laboratoire Photonique Numérique & Nanosciences (LP2N, CNRS/Institut d'Optique Graduate School/Université de Bordeaux)
Le ticket d’entrée pour installer ces nouveaux capteurs complexes sur un satellite est un développement technologique exigeant et coûteux. C’est pourquoi des programmes de recherche en France, en Allemagne, en Chine et aux Etats Unis ont pour but de mener des expériences se déroulant sur des fusées sondes, des tours de chute libre, lors de vols paraboliques dans l’Airbus zéro G, ou encore en orbite autour de la Terre sur la station spatiale internationale (ISS). Toutes ces plateformes fournissent une accessibilité relative et/ou une durée limitée de temps d’expérience en microgravité. Dans ce cadre, une équipe du Laboratoire Photonique Numérique & Nanosciences (LP2N), soutenue par le CNES, l’ESA et l’Union Européenne, a développé une expérience en chute libre dans un laboratoire qui permet, de manière unique, de mesurer l’accélération de 10 millions d’atomes de Rubidium refroidis à environ + 0.000001 degré au-dessus du zéro absolu, avec un interféromètre installé sur une plateforme dédiée. Le dispositif de « chute libre » repose sur le principe de l’ascenseur d’Einstein (à savoir que dans le repère en chute libre, la force de gravité s’exerçant sur une particule est exactement compensée par la force d’inertie d’entraînement liée au repère du dispositif, on parle alors d’« impesanteur ») et permet de créer, toutes les 13 secondes, des conditions d'impesanteur pendant près d’une demi-seconde. Cet équipement novateur, d'une hauteur d'environ 3 mètres et pouvant supporter une charge utile de 200 kg, a été développé par la société française Symétrie, installée à Nîmes. Cette expérience change le paradigme de l’accès à la microgravité, et ouvre la possibilité d’explorer les limites de la mesure quantique dans un dispositif en chute libre accessible au quotidien, de manière répétée et reproductible, permettant de cumuler ainsi une heure d’expérience en microgravité par jour.

Cette expérience est un outil essentiel pour le développement d’un accéléromètre quantique pour l’espace. Cette thématique représente un enjeu de souveraineté majeure pour l’Union Européenne, qui a lancé en 2022 la mission CARIOQA (Cold Atom Rubidium Interferometer in Orbit for Quantum Accelerometry). Ce projet, sous la coordination technique du CNES et du DLR (les agences spatiales françaises et allemandes), réunit un consortium européen de partenaires industriels et académiques, avec pour objectif de démontrer le fonctionnement de cette nouvelle génération de capteurs sur un satellite au début des années 2030.
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