Refroidissement laser réussi du positronium !

Résultat scientifique

Le refroidissement laser du positronium a été pour la première fois observé au CERN, après des années d’efforts internationaux pour réaliser cette prouesse qui ouvre la voie à une nouvelle catégorie d’expériences pour entre autres sonder la matière au-delà du modèle standard.

Le positronium, prédit en 1934 et découvert en 1951 est la plus légère des structures atomiques neutres, puisqu’il s’agit d’un couple électron-positron (antiélectron) liés par la force électrostatique. Elle intéresse les chercheurs, car elle possède des propriétés exotiques dues à sa composition purement leptonique, à la légèreté de ses constituants, et au fait qu’il s’agisse d’un assemblage entre de la matière et de l’antimatière. Ce dernier point, ainsi que sa durée de vie relativement brève (environ 100 nanosecondes) rendent la fabrication et l’étude du positronium assez délicates. Jusqu’à présent, les gaz de positronium obtenus étaient par exemple trop chauds pour pouvoir par exemple accéder aux régimes d’interaction quantique intéressants (comme par exemple l’observation de la condensation de Bose dans le système), ce qui a poussé les scientifiques à proposer dès 1988 de développer pour ces systèmes la technique du refroidissement laser.

En dépit d’efforts significatifs, le refroidissement laser des atomes de positronium n’avait jamais été réalisé jusqu’à aujourd’hui, à cause des difficultés inhérentes à la fabrication et manipulation de l’antimatière. Une équipe du CERN (collaboration AEgIS, dont un chercheur du Laboratoire Aimé Cotton (LAC, CNRS / Université Paris-Saclay) et un enseignant-chercheur de l’Institut de Physique des deux Infinis de Lyon (IP2I Lyon, CNRS / Université Claude Bernard) a réalisé pour la première fois cette expérience. La clé de ce succès fut l’utilisation d’un laser large bande à longues impulsions (un laser « alexandrite »). Ce laser est capable de saturer la transition triplet 1S-2P du positronium à la longueur d’onde de 243 nm, ce qui conduit à un refroidissement puissant du nuage de positronium de 380 à 170 K, marquant un progrès décisif dans la manipulation de l’antimatière.

L'importance de cette réalisation se mesure quand on énumère les différents domaines de la physique où elle pourra avoir un impact significatif, en suggérant par exemple de nouvelles expériences ou en impulsant des percées technologiques novatrices. On peut citer par exemple la spectroscopie de précision pour tester la physique fondamentale au-delà du modèle standard de la physique des particules, l'étude des condensats de Bose-Einstein avec l'antimatière avec une réalisation possible d'un laser à rayons gamma, la possibilité de tester le principe d’équivalence de la gravitation avec l'antimatière et un système purement leptonique, ou encore la possibilité de sonder les propriétés microscopiques des matériaux en utilisant la sensibilité de l'annihilation du positronium à un nanopore. Ces résultats sont publiés dans les Physical Review Letters.

Illustration Comparat
Figure : L'impact d'un faisceau de positrons (e+) produit du positronium (e+ - e-) chaud qui est refroidi par laser à 243nm. Ce refroidissement est mesuré par la destruction du positronium par un laser de sonde (205 + 1064 nm) qui est elle mesurée par un cristal de PbWO4 captant les rayons gamma produits lors de la mort du positronium après environ 100 ns © AEgIS CERN.

Références

Positronium laser cooling via the 13S–23P transition with a broadband laser pulse, C.Glöggler et al.(The AEgIS collaboration), Physical Review Letters, publié le 22 février 2024.
Doi :
10.1103/PhysRevLett.132.083402
Archive ouverte : arXiv

Contact

Daniel Comparat
Directeur de recherche CNRS, Laboratoire Aimé Cotton
Communication CNRS Physique