Recycler la chaleur en électricité avec des liquides ultraconfinés

Résultat scientifique Nanosciences

En faisant circuler des liquides dans des canaux nanométriques chargés, il est possible de convertir de la chaleur en électricité avec autant d’efficacité que les meilleurs matériaux thermoélectriques.

Les matériaux thermoélectriques solides permettent de convertir une différence de température en énergie électrique. Ils constituent ainsi une ressource énergétique importante pour les années à venir. Toutefois, les matériaux les plus performants sont rares, coûteux et souvent toxiques. Des physiciens de l’Institut lumière matière à Lyon (CNRS/Univ. Lyon 1) ont exploré une possibilité alternative : l’utilisation de canaux nanofluidiques confinant de l’eau salée. De tels systèmes ont suscité beaucoup d’attention récemment, car ils sont capables de produire de l’électricité à partir de l’énergie osmotique de l’eau de mer. Cette « énergie bleue » vient du phénomène d’osmose, c’est-à-dire l’écoulement spontané du liquide du milieu le plus concentré vers le moins concentré. Mais l’application de ces dispositifs pour le recyclage en électricité de la chaleur perdue par de nombreux procédés industriels en électricité commence seulement à être étudiée. Ce moindre intérêt s’explique par l’image standard de la thermoélectricité des liquides chargés, développée dans les années 1980, et qui prévoyait des performances très en dessous de celles des matériaux thermoélectriques.

Les scientifiques ont mis à l’épreuve ces modèles à l’aide de simulations du comportement de la matière au niveau atomique. Dans ce type de simulations, le mouvement de chaque atome est décrit explicitement, ce qui permet notamment de mesurer indépendamment l'influence des divers paramètres (interactions avec les parois, contribution électrostatique) sur le mouvement des atomes et donc du courant électrique. Contre toute attente, ils ont montré que les performances des systèmes nanofluidiques étaient cent fois supérieures aux prédictions des modèles standard, et pouvaient être comparables à celles des meilleurs matériaux thermoélectriques solides. Ces travaux démontrent le potentiel des systèmes nanofluidiques, et en permettant d’en comprendre les mécanismes, ils pourront servir de guide pour l’élaboration de dispositifs à hautes performances, une alternative économique et non toxique aux matériaux thermoélectriques.

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Lorsqu’il est soumis à une différence de température, un canal nanofluidique peut générer de l’électricité, avec un rendement comparable à celui des meilleurs solides thermoélectriques. 
© ILM (CNRS/Univ. Lyon 1)

Références

Giant thermoelectric response of nanofluidic systems driven by water excess enthalpy.

Li Fu, Laurent Joly & Samy Merabia, Physical Review Letters, 123, 138001 (2019). DOI: 10.1103/PhysRevLett.123.138001

Article disponible sur la base d’archives ouvertes ArXiv.

Contact

Samy Merabia
Directeur de recherche au CNRS, Institut lumière matière (ILM)
Laurent Joly
Professeur à l’Université Lyon 1, Institut lumière matière.
Communication CNRS Physique