Première observation en 3D de dislocations dans un alliage TiAl à haute température

Résultat scientifique

En développant une méthode originale à partir de la tomographie électronique, des chercheurs sont parvenus à visualiser les mécanismes de déformation dans l’aluminure de titane (TiAl) porté à 900°C. Ce type d’imagerie ouvre la voie à la mise au point de nouveaux alliages.

La compréhension des mécanismes de déformation à l’échelle nanométrique est déterminante pour l’élaboration de nouveaux alliages. En particulier, le contrôle à chaud de ces mécanismes dans le cas d’un alliage tel que l’aluminure de titane pourrait déboucher sur des matériaux à fort potentiel dans le cadre de la course à l’allègement de pièces chaudes de moteurs d’avions. L’enjeu, pour conférer de nouvelles qualités aux alliages, est de limiter le mouvement des dislocations, ces défauts cristallins linéaires contrôlant la déformation indésirable des pièces. Pour cela, il est nécessaire de déterminer si ces défauts se déplacent par glissement, c’est-à-dire par sauts successifs de la ligne des défauts dans le potentiel cristallin, ou par montée, correspondant à une diffusion continue de lacunes vers la ligne. Les éléments d’alliage permettant de freiner ces mécanismes sont différents dans les deux cas. Or, l’identification du glissement ou de la montée par les méthodes conventionnelles de microscopie électronique en transmission (MET) est très contraignante, car l’observation de boucles de dislocations n’est possible que dans un domaine angulaire restreint.

La tomographie électronique, une technique d’imagerie permettant la reconstruction en 3D de volumes nanométriques et leur visualisation sur 360°, a levé cet obstacle de manière spectaculaire. Quelques travaux antérieurs, notamment à l'Unité Matériaux et Transformations de l'Université de Lille, ont développé cette technique pour l’observation délicate des dislocations, mais les scientifiques du CNRS au Centre d’élaboration de matériaux et d’études structurales (CEMES, CNRS) de Toulouse et au Centre interdisciplinaire de nanoscience de Marseille (CINaM, Aix-Marseille Université / CNRS) ont développé une approche originale, permettant notamment de descendre jusqu’à des résolutions latérales ultimes (10 nm).  Pour parvenir à des reconstructions tomographiques d’une telle précision, l’étape clef a consisté à aligner autour d’un axe d’inclinaison commun, avec une précision inférieure au pixel, des séries allant jusqu’à 100 images.  L’idée proposée a donc été d’adapter des techniques de reconnaissance et de suivi de points de repères, venant des sciences de la vie, à l’alignement d’images par itérations successives. Grâce à cette innovation, les plans de déplacement de boucles de dislocations peuvent être identifiés aisément, et avec une grande précision, comme des plans cristallins de montée ou de glissement (cf. Figure 1). Ces résultats font l’objet d’une publication dans la revue Scripta Materialia.

En fonction du mécanisme contrôlant la déformation des pièces de moteurs d’avions, montée ou glissement, il sera possible de sélectionner les éléments d’alliage freinant le plus efficacement les dislocations, comme le tungstène et le molybdène pour la montée, ou le carbone et le silicium pour le glissement. La vision en 3D s’avère ainsi particulièrement prometteuse pour aller plus loin dans le design de nouveaux alliages, en permettant des investigations beaucoup plus systématiques.

Illustration Monchoux
Figure : Elucidation aisée de mécanismes de déformation dans TiAl à 900°C, grâce à la vision en 3D sur 360°. (a) Volume de dimensions nanométrique contenant deux boucles de dislocations. (b-c) Visualisation du volume selon différents angles, permettant d’identifier des plans cristallographiques de glissement et de montée pour ces deux dislocations.

Références

Habit planes of climbing and gliding dislocations in TiAl determined in three dimensions by electron tomography, Jean-Philippe Monchoux et Daniel Ferry, Scripta Materialia, publié le 29 juillet 2023.
Doi :
10.1016/j.scriptamat.2023.115679

Contact

Jean-Philippe Monchoux
Chercheur CNRS, Centre d'élaboration de matériaux et d'études structurales (CEMES)
Communication CNRS Physique