Pour découper une molécule, rien de tel qu’un plan de travail isolant !
Dans un travail récent, des chercheuses et chercheurs montrent que transposer les concepts de la chimie de synthèse en solution vers une surface permet d’obtenir une sélectivité réactionnelle exceptionnelle, pour peu que l’on opère au voisinage d’une surface isolante.
Références :
Mélissa Hankache, Valentin Magné, Elie Geagea, Pablo Simón Marqués, Sylvain Clair, Luca Giovanelli, Christian Loppacher, Emmanuel Fodeke, Sonia Mallet-Ladeira, Eddy Maerten, Claire Kammerer, David Madec, Laurent Nony, Photoinduced Modulation of the Oxidation State of Dibenzothiophene S-Oxide Molecules on an Insulating Substrate, Nature Communications 16, 4841 – Publié le 24 mai 2025.
Doi : 10.1038/s41467-025-60075-y
Archives ouvertes : HAL
La chimie de surface vise à pallier les limites de la synthèse conventionnelle en solution en tirant parti du confinement en deux dimensions pour créer des structures moléculaires ordonnées aux propriétés bien maîtrisées. Jusqu'à présent, la plupart des travaux rapportés dans la littérature concernant cette « chimie aux interfaces » ont été menés sur des substrats métalliques et reposent sur des mécanismes réactionnels non conventionnels, une spécificité qui empêche la transposition directe aux surfaces de réactions organiques bien établies en solution. De plus, comme les propriétés intrinsèques et la réactivité des substrats métalliques limitent souvent l'activation des réactions sur surface, les processus photoinduits sont de fait particulièrement difficiles à exploiter sur ces surfaces en raison de l'inhibition optique des molécules adsorbées qu’elles induisent.
Ces recherches ont été menées dans les laboratoires CNRS suivants :
- Institut des Matériaux, de Microélectronique et des Nanosciences de Provence (IM2NP, Aix-Marseille Université/CNRS)
- Centre d’Elaboration de Matériaux et d’Etudes Structurales (CEMES, Université de Toulouse/CNRS)
- Laboratoire d’Hétérochimie Fondamentale et Appliquée (LHFA, Université de Toulouse/CNRS)
Compte tenu de ces limitations associées à l’usage de surfaces métalliques, une collaboration entre des chercheuses et des chercheurs de Marseille et Toulouse a entrepris d’étudier la transposition d’une réaction chimique particulière (la désoxygénation photoinduite d’un dérivé du dibenzothiophène S-oxyde (DBTO)), bien connue en solution, sur une surface isolante d'halogénure alcalin sous ultravide et à basse température (voir figure (a)). En combinant des études en solution et en surface au moyen de la microscopie à effet tunnel (STM, voir figure (b)), de la microscopie à force atomique non-contact (nc-AFM, voir figure (c)) et des mesures de spectroscopie de potentiel, les chercheuses et chercheurs ont observé à l’échelle de la molécule individuelle la désoxygénation du dérivé de DBTO sous irradiation UV.

La famille des biarylsulfoxydes dont est issu le DBTO est particulièrement intéressante pour ses propriétés de photoréaction et la polarité significative du groupe sulfinyle S=O. Comme l'état d'oxydation de l'atome de soufre varie de (0) à (-II) au cours de cette réaction, la photodésoxygénation des sulfoxydes représente donc un outil synthétique puissant et sans réactif qui permet d'effectuer la réduction du soufre. On imagine que l’oxygène atomique résultant du clivage induit par les UV de la liaison S=O pourrait être exploité pour initier sur la surface de nouvelles réactions d’oxydation inter- ou intramoléculaires. Ces résultats ouvrent aussi la voie à la manipulation photocontrôlée sur surfaces de l'état de charge dans les composés purement organiques. Ils sont publiés dans la revue Nature Communications.
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