Peignes de fréquence triples pour source laser entièrement fibrée

Résultat scientifique

Des chercheuses et chercheurs réalisent pour la première fois une source laser à peignes de fréquence triples, ouvrant la voie à une spectroscopique multi-dimensionnelle ultra-rapide.

Un peigne de fréquence (PF) est une source de lumière composée de plusieurs raies lasers également espacées en fréquence. Dans les années 2000, les PFs ont révolutionné un grand nombre d’applications dans le cadre de la métrologie optique de précision, mises en avant par le prix Nobel de T. Hänsch. Plus récemment, la technique s’est affinée grâce à l’émergence de PFs doubles : un premier peigne sert à sonder l’échantillon tandis qu’un second, dont le taux de répétition est légèrement différent, joue le rôle d’oscillateur local et sert d’analyseur. Il permet ainsi par les battements qu’il génère de transposer les fréquences optiques vers des fréquences électroniques sur un simple photodétecteur de faible bande passante. Le principal intérêt de cette technique est d’augmenter la rapidité d’analyse de plusieurs ordres de grandeur, alors qu’elle était auparavant limitée par la nécessaire translation (lente) d’un élément mécanique dans le montage (miroir, piezo etc…), et ce tout en conservant la précision de mesure intrinsèque à l’utilisation des peignes de fréquence.

De nombreux travaux rapportent l’utilisation des peignes doubles, atteignant des performances inédites dans des applications présentant un fort intérêt sociétal, comme la mesure extrêmement précise de distances, le développement d’horloges optiques ultra-stables, la détection de polluants ou les télécommunications à très haut débit. D’un point de vue technique, des lasers à blocage de modes et verrouillés en phase peuvent être mis en œuvre, ainsi que des solutions plus compactes à partir de micro résonateurs ou de fibres optiques en utilisant les 2 directions de propagation pour préserver une bonne cohérence mutuelle permettent d’obtenir des performances remarquables.

Cependant, bien que les avancées obtenues par ces doubles sources de lumière soient indéniables, il existe toujours des limitations inhérentes à cette technique. Par exemple, pour des applications LIDARs, il est délicat d’obtenir une mesure ultra-précise sur de longues distances, propriété requise pour la synchronisation de satellites par exemple. De même, en spectroscopie, seules des analyses linéaires sont possibles, qui ne permettent que d’étudier des composés relativement simples.  L’introduction d’un troisième peigne a permis de résoudre ces problèmes en réduisant significativement les zones d’ombre dans les systèmes LIDAR. De plus, ce peigne supplémentaire donne accès à une spectroscopie proprement multi-dimensionnelle et qui plus est, ultra-rapide. Malheureusement, ces solutions sont complexes à mettre en œuvre et difficilement implémentables en dehors de laboratoires de recherche, ce qui limite assez significativement l’intérêt du degré de liberté supplémentaire apporté par le troisième peigne de fréquence pour réaliser des mesures rapides et précises des interactions lumière-matière en général.

Dans un travail récent, des chercheuses et chercheurs de l’ONERA et du laboratoire Physique des lasers, atomes et molécules (PhLAM, CNRS / Université de Lille) rapportent la démonstration expérimentale d’un nouveau type de source lumineuse à trois peignes. Elle est basée sur l'élargissement spectral non linéaire de trois peignes de fréquence engendrés par des modulateurs électro-optiques dans une fibre spéciale possédant trois cœurs. L'exploitation de la dimension transverse de ces fibres optiques de dernière génération à plusieurs cœurs fabrique des peignes de fréquence automatiquement cohérents entre eux. Après avoir caractérisé la stabilité de la source et effectué plusieurs mesures de test à peignes doubles, les chercheurs ont réalisé une preuve de concept de spectroscopie multidimensionnelle cohérente, validant l’intérêt de cette source pour des applications très variées. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communications.

Illustration Mussot
Figure : Schéma de la source à triple peignes entièrement fibrée © A. Mussot.

Références

All-fiber frequency agile triple-frequency comb light source, Eve-Line Bancel, Etienne Genier, Rosa Santagata , Matteo Conforti, Alexandre Kudlinski, Géraud Bouwmans, Olivier Vanvcincq, Damien Labat, Andy Cassez & Arnaud Mussot, Nature Communications, publié le 1er décembre 2023.
Doi : 10.1038/s41467-023-43734-w
Archive ouverte : Open Access

Contact

Arnaud Mussot
Enseignant-chercheur Université de Lille, Physique des lasers, atomes et molécules (PhLAM)
Communication CNRS Physique