Les atomes préfèrent le froid !

Résultat scientifique

Des chercheurs ont montré qu’à la surface d’un solide de silicium pur soumis à un gradient de température, les atomes migrent préférentiellement vers les zones froides, à des vitesses exceptionnellement lentes...

La dissipation d’énergie électrique en chaleur, connue aussi sous le nom d’« effet Joule », est inévitable dans tout appareil électrique, et notamment dans nos ordinateurs et nos téléphones portables. Ce phénomène est à l’origine de points chauds dans les composants et connexions électroniques qui ont des conséquences néfastes sur leur fonctionnement et leur durée de vie. En effet, les variations locales de température entraînent un transport de matière de surface par un phénomène appelé thermomigration. Ce transport de matière conduit à la modification progressive des performances des composants et peut même induire la rupture des connexions électriques, induisant des pannes dans nos appareils. En outre, sur le plan fondamental, ce processus physique est très difficile à quantifier expérimentalement et à appréhender théoriquement. 

Dans une étude expérimentale récente, des chercheurs du Centre Interdisciplinaire de Nanoscience de Marseille (CINaM, Université Aix-Marseille / CNRS) ont proposé une méthode originale pour quantifier avec précision la thermomigration, en utilisant le silicium, qui pour ce phénomène se comporte comme un matériau modèle. La qualité cristalline exceptionnelle de la surface du silicium permet en effet de décrire précisément les processus élémentaires de thermomigration.  L’échantillon de silicium, une surface carrée de 9 millimètres de côté, a été soumis à un gradient thermique de 10⁰C par millimètre et à une température moyenne de 830°C et a été observé en temps réel par microscopie à électrons lents. Avec cette technique, le déplacement des atomes ne peut pas être suivi individuellement, mais il a pu néanmoins être inféré en suivant le déplacement des défauts de surface, des dépressions d’épaisseur monoatomique qui agissent comme des sources et des puits pour la migration surfacique des atomes. Les chercheurs ont ainsi non seulement montré que les atomes se déplacent vers les zones froides de la surface, mais ont même mesuré leur vitesse, de l’ordre de 2 nanomètres par seconde, une valeur extrêmement faible au regard des vitesses typiques liées à l’agitation thermique. Ils ont pu en déduire aussi la valeur moyenne de la force responsable de la thermomigration.

Ce travail expérimental pionnier servira sans doute de référence pour de futures études expérimentales et théoriques dans ce domaine. Les résultats obtenus permettent également d’envisager d’utiliser la thermomigration pour contrôler le déplacement en surface des atomes et donc pour produire des assemblages atomiques contrôlés en utilisant par exemple un chauffage local par laser. Ces résultats sont publiés dans les Physical Review Letters.

Illustration Leroy
Figure : (gauche) Deux images successives par microscopie à électrons lents, décalées temporellement de 1200 s, montrent le déplacement d’une dépression circulaire de hauteur atomique sur la surface de silicium. (droite) Schéma de principe du processus de thermomigration : les atomes de silicium quittent le bord chaud de la dépression et rejoignent le bord opposé froid à cause d'un biais dans le processus diffusif à chaque déplacement atomique. Ce processus est également favorisé par un plus faible taux de décrochage des atomes sur le bord froid que sur le bord chaud © Frédéric Leroy.

Références

Determination of the Thermomigration Force on Adatoms, Frédéric Leroy, A. El Barraj, Fabien Cheynis, Pierre Müller, Stefano Curiotto, Physical Review Letters, publié le 15 septembre 2023.
Doi : 10.1103/PhysRevLett.131.116202
Archives ouvertes : HAL

Contact

Frédéric Leroy
Enseignant-Chercheur Aix-Marseille Université, Centre Interdisciplinaire de Nanoscience de Marseille (CINaM)
Communication CNRS Physique