La métrologie quantique prend des couleurs

Résultat scientifique

Des chercheuses et chercheurs ont montré pour la première fois que l’on peut augmenter la précision des mesures faites avec des photons grâce à des protocoles de métrologie quantique utilisant les caractéristiques du spectre lumineux.

Peut-on considérer séparément un rayon de lumière, constitué d’une myriade de photons, et sa couleur ? C’était le cas dans différents protocoles d’optique quantique. Les propriétés statistiques du champ électromagnétique (liées au nombre de photons et donc à l’intensité lumineuse) peuvent être en effet envisagées séparément de ses propriétés ondulatoires - telles que la fréquence (qui détermine la couleur) et la largeur de bande spectrale -, traitées comme des paramètres classiques. Or, l’exploration des propriétés quantiques d’un système utilisé comme appareil de mesure permet un gain en précision inatteignable avec un système classique disposant des mêmes ressources (nombre de photons, fréquence par exemple). On appelle cela l’avantage métrologique quantique. Des scientifiques du laboratoire Matériaux et Phénomènes Quantiques (MPQ, CNRS / Université Paris Cité) en collaboration avec l'ENS-PSL, l'Institut Polytechnique de Paris, l'Université Paris-Saclay et l'Espagne ont mis en évidence qu'une amélioration de la précision est réalisable en combinant à la fois l'intensité lumineuse et la largeur de bande spectrale liée à la fréquence. Ces travaux ont été publiés dans la revue Physical Review Letters.

Pour parvenir à cette conclusion, ils ont étudié de manière théorique le comportement de photons intriqués, autrement dit de la lumière non-classique. Dans le cas de la lumière classique, émise par exemple par un laser ou une lampe, les photons sont considérés comme indépendants les uns des autres. Mesurer une propriété de la lumière transportée par chaque photon revient à mesurer la moyenne sur l’ensemble des photons la constituant. Les photons étant indépendants, l’erreur de mesure sur chacun des N photons se moyenne pour donner une erreur qui varie comme l’inverse de la racine carrée de N. Ce « bruit de grenaille » limite le pouvoir métrologique de la lumière classique. Mais en optique, il est aussi possible de générer de la lumière non-classique dans laquelle les photons ne sont plus indépendants les uns des autres : ils sont intriqués. Par exemple, ils peuvent être produits par paires plutôt que seuls. Ces propriétés statistiques de corrélation entre les photons peuvent être choisies de telle sorte à ce que l’erreur sur la quantité mesurée varie comme en 1/N. C’est à dire que pour un nombre N de photons fixé, la précision avec la lumière non-classique sera meilleure qu’avec de la lumière classique. C’est la limite de Heisenberg de gain métrologique.

A partir de représentations graphiques des fréquences de deux photons corrélés, les chercheuses et chercheurs ont démontré mathématiquement qu’il y avait un avantage métrologique à considérer les caractéristiques liées à la fréquence en plus de l’intensité du flux. Ces travaux ouvrent la perspective d’applications de protocoles de métrologie quantiques exploitant ces deux paramètres.

Illustration Milman
Figure : N photons se propageant dans des directions spatiales différentes (représentées par des cylindres gris) ont des propriétés de fréquence (peigne de couleur) qui peuvent présenter des corrélations quantiques, ce qui est à l’origine de l’avantage métrologique quantique de ce système.

Références

Quantum metrology using time-frequency as quantum continuous variables: Resources, sub-shot-noise precision and phase space representation, Eloi Descamps, Nicolas Fabre, Arne Keller, Pérola Milman, Physical Review Letters, paru le 18 juillet 2023.
Doi :
10.1103/PhysRevLett.131.030801
Archive ouverte : arXiv

Contact

Pérola Milman
Directrice de recherche CNRS, Laboratoire Matériaux et Phénomènes Quantiques (MPQ)
Communication CNRS Physique