Émission thermique dans le nano monde, comment la « couleur » compte

Résultat scientifique

Une étude met en évidence des problèmes de précision dans la prédiction de l’émission thermique de surface d’un corps à l’échelle nanométrique. Cette observation est importante pour ouvrir de nouvelles voies pour l'ingénierie des matériaux et la conception de dispositifs miniaturisés plus efficaces.

Les avancées dans le domaine des nanotechnologies et leur impact sur le développement des microprocesseurs nécessitent de comprendre et de maîtriser les échanges thermiques à l'échelle nanométrique.

Contrairement à l'émission thermique usuelle similaire au rayonnement solaire (« large bande »), l'émission en "champ proche" (à l'échelle « nano ») se focalise sur des fréquences spécifiques, ou « couleurs ». Ces fréquences correspondent aux résonances de surface du matériau considéré. Des mesures de précision menées par une équipe du Laboratoire de Physique des Lasers (LPL, CNRS / Université Sorbonne Paris Nord) montrent que l'émission thermique à l'échelle nanométrique s’effectue à une fréquence qui varie avec la température. L’équipe a montré un désaccord entre les résonances de surface du saphir prédites par les propriétés optiques du matériau en volume, mesurées au laboratoire Conditions Extrêmes et Matériaux : Haute température et Irradiation (CEMHTI, CNRS / Université Orléans), et celles réellement observées par spectroscopie d'atomes de césium utilisés comme sondes au plus près de la surface. L’équipe a pu suggérer que la résonance de surface est plus étroite, et décalée vers les basses fréquences. Ces travaux ont été publiés dans Physical Review Letters.

Cette découverte souligne la difficulté d'extrapoler avec précision les propriétés des matériaux à partir de leur comportement en volume, et met en évidence le besoin de mesures nouvelles des modes de résonance de surface. Une telle connaissance est indispensable non seulement pour valider des prédictions essentielles dans le développement de nouvelles technologies, telles que les systèmes thermo-photovoltaïques ou les diodes thermiques, mais aussi pour envisager l'ingénierie des résonances de surface en exploitant l'anisotropie et la biréfringence des matériaux. Un soutien de la MITI (Mission pour les Initiatives Transverses et Interdisciplinaires), a été obtenu pour une exploration directe, par ellipsométrie, des modes de surface.

Illustration Bloch
Figure : La mesure expérimentale de l'interaction entre atome de césium excité [Cs(7P1/2)] et la surface de saphir montre une croissance rapide avec la température. C'est la signature du couplage résonnant entre absorption atomique et émission thermique de surface du saphir. Cependant cette croissance n'est pas aussi exponentielle que prévue par la pure statistique thermique (estimée ici, en tiretés, pour 2 valeurs différentes de littérature du saphir à température ambiante). La croissance devient moins rapide parce que la résonance de surface du saphir s'élargit aux hautes températures. Ceci est en accord avec la prédiction - trait plein -avec les mesures en volume du saphir à différentes températures, mais quantitativement, l'accord est décevant © J. C. de Aquino Carvalho et. al.

Références

Spectrally Sharp Near-Field Thermal Emission: Revealing Some Disagreements between a Casimir-Polder Sensor and Predictions from Far-Field Emittance, J. C. de Aquino Carvalho, I. Maurin, P. Chaves de Souza Segundo, A. Laliotis, D. de Sousa Meneses et D. Bloch, Physical Review Letters, publié le 2 octobre 2023.
Doi :
10.1103/PhysRevLett.131.143801
Archive ouverte : HAL

Contact

Daniel Bloch
Directeur de recherche émérite, Laboratoire de physique des lasers (LPL)
Communication CNRS Physique