Des défauts dans le diamant pour sonder la structure d’un supraconducteur
Des physiciens et physiciennes ont montré que les propriétés quantiques de certains défauts du diamant permettent de cartographier le champ magnétique autour d’un échantillon supraconducteur et de détecter des inhomogénéités du matériau à très haute pression.
Références :
Imaging the Meissner effect and flux trapping of superconductors under high pressure using N-𝑉 centers, Cassandra Dailledouze, Antoine Hilberer, Martin Schmidt, Marie-Pierre Adam, Loïc Toraille, Kin On Ho, Anne Forget, Dorothée Colson, Paul Loubeyre, et al.,Physical Review Applied 23, 064067 – Publié le 30 juin 2025.
Doi : 10.1103/PhysRevApplied.23.064067
Archives ouvertes : arXiv
La pression est un paramètre crucial qu’on peut moduler pour étudier les phases supraconductrices d’un matériau. Or les dispositifs utilisés pour atteindre des pressions extrêmes (nécessaires car on parle d’un solide, par nature très peu compressible), les cellules à enclumes de diamant, n’accueillent que des échantillons de taille micrométrique, ce qui rend difficile l’utilisation des méthodes traditionnelles pour observer la supraconductivité, adaptées à des échantillons plus gros. Pour s’affranchir de ces limites, une équipe du laboratoire Lumière-Matière aux Interfaces (LUMIN) a introduit en 2019 une méthode nouvelle, destinée à observer l’expulsion d’un champ magnétique statique de l’intérieur du supraconducteur (l’effet Meissner, une signature expérimentale de la supraconductivité). Cette méthode repose sur l’introduction de centres NV (ou centres « azote-lacune ») sur la pointe d’une des deux enclumes de diamant, qui sont des défauts localisés de la structure du diamant pour lesquels deux atomes de carbone plus proches voisins sont substitués, l’un par un atome d’azote (N), l’autre par une lacune (V pour « vacancy »). La sensibilité de ces défauts, qui se comportent spectroscopiquement comme des atomes artificiels, a donné l’idée aux chercheuses et chercheurs de s’en servir comme de capteurs quantiques nanoscopiques dans les conditions extrêmes de pression des expériences, donnant ainsi accès à la cartographie de la déformation des lignes de champ magnétique autour de l’échantillon.
Ces recherches ont été menées dans les laboratoires CNRS suivants :
Laboratoire Lumière-Matière aux Interfaces (LUMIN, CNRS/ENS Paris-Saclay/Université Paris-Saclay)
Service de physique de l'état condensé (SPEC, CEA/CNRS)
En poursuivant cette approche, l’équipe vient de montrer une nouvelle fois la puissance de cette méthode, dans un travail mené en collaboration avec le CEA-DAM. Grâce à une analyse de données rapide et robuste, les chercheuses et chercheurs ont mesuré la répartition de la température critique supraconductrice au sein de l’échantillon avec une résolution micrométrique. Pour cela, les physiciennes et physiciens ont placé un échantillon de Hg-1223, un cuprate à base de mercure synthétisé au Service de physique de l'état condensé (SPEC), à l’intérieur d’une cellule à enclumes de diamant refroidie à environ 100 kelvins et ont appliqué un champ magnétique. En analysant l’émission de lumière des centres NV, ils ont cartographié l’intensité et l’orientation du champ magnétique dans l’échantillon, et ont montré que la résolution exceptionnelle de l’imagerie optique de l’effet Meissner permet de montrer pour la première fois l’hétérogénéité des zones piégeant le champ magnétique par des courants circulant sans dissipation.

L’équipe du LUMIN envisage maintenant de coupler cette approche à des mesures de diffraction de rayons X qui atteignent la même résolution spatiale sur les synchrotrons de dernière génération. Elle espère ainsi comprendre comment la supraconductivité apparaît avec l’augmentation de pression, notamment sur des matériaux tels que les nickelates ou les super-hydrures dont la synthèse est délicate et conduit à des échantillons dont la structure cristalline est fortement hétérogène. Ces résultats sont publiés dans la revue Physical Review Applied.
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