Décroissance des répliques sismiques : le temps n’est pas le bon métronome !
En étudiant les micro-séismes en laboratoire générés dans des empilements granulaires cisaillés, des chercheurs et chercheuses ont montré que la physique des tremblements de terre est décrite de façon universelle si la déformation totale de la faille remplace le temps comme paramètre d’évolution du système.
Références
A. Mathey, J. Crassous, D. Marsan, J. Weiss, A. Amon, Aftershocks as a Time Independent Phenomenon, Geophysical Research Letters – Publié le 21 janvier 2025
Doi :10.1029/2024GL112618
Archives ouvertes : arXiv
Après un gros tremblement de terre, on observe toujours une augmentation régionale de l'activité sismique sous la forme de multiples répliques potentiellement destructrices, car elles arrivent dans des zones qui peuvent avoir été déjà durement impactées par le séisme principal, même si leurs magnitudes sont généralement plus faibles. On observe que ce taux de répliques décroît au cours du temps, mais l’origine de cette décroissance reste débattue de nos jours, plus de 130 ans après sa découverte par le sismologue japonais Fusakichi Omori (1868-1923). Des mécanismes dépendant du temps sont généralement invoqués pour expliquer leur existence : glissement post-sismique, augmentation d’origine visco-élastique des contraintes au niveau de la faille, diminution avec le temps de sa résistance au glissement, augmentation de la pression des liquides interstitiels dans le cœur de la faille, etc.
Récemment, des expériences de laboratoire menées par des physiciennes et physiciens sur des milieux granulaires cisaillés ont permis de reproduire l’ensemble de la phénoménologie caractérisant la statistique des tremblements de terre. En effet, une bande de cisaillement dans un milieu granulaire apparaît comme une réplique miniature d’une faille sismique, et le déplacement relatif entre les différentes parties du milieu granulaire est en fait le résultat du cumul d’événements plastiques locaux analogues à de très petits tremblements de terre ayant lieu le long de la bande. L’étude des propriétés statistiques de ces événements montre qu’ils obéissent aux lois empiriques observées en sismologie, que ce soit au niveau de la distribution de leur taille ou des fluctuations spatio-temporelles de leur fréquence. Une collaboration entre physiciens et géophysiciens a permis de franchir un pas quantitatif dans la comparaison entre ces systèmes.
Ces recherches ont été menées dans les laboratoires CNRS suivants :
- Institut de physique de Rennes (IPR, CNRS / Université de Rennes)
- Institut des sciences de la Terre (ISTERRE, CNRS / IRD / Université Grenoble Alpes / Université Savoie Mont Blanc)
Dans leur étude, les chercheurs et chercheuses ont montré que, contrairement à ce que nous suggère l’intuition, le temps n'est pas la variable pertinente pour décrire la décroissance du taux de répliques observé dans les deux systèmes. Pour ce faire, ils ont développé une méthode d'analyse permettant de comparer quantitativement des catalogues de séismes naturels et de séismes de laboratoire, la difficulté résidant dans le développement d’observables pertinentes communes à des systèmes différant de plusieurs ordres de grandeur en termes d'échelles de longueur et de temps. Cette approche unifiée montre que l'évolution du taux de répliques, mesuré dans ces différents systèmes, est décrite par une loi générale si l'on considère que la variable régissant la dynamique est la déformation et non le temps. Comme on le voit sur la figure, c'est en effet la vitesse de déformation des failles qui fixe l'échelle de temps dans tous ces systèmes, depuis la faille de laboratoire obtenue dans un milieu granulaire modèle jusqu'aux failles sismiques terrestres : la courbe de droite montre une superposition de la corrélation de la densité de répliques comme fonction de la déformation totale cumulée depuis le déclenchement du séisme, ce qui traduit une universalité du phénomène quand il est envisagé comme dépendant de la déformation (Par comparaison, les mêmes courbes en fonction du temps, à gauche de la figure, sont complètement dispersées). Cette approche conduit à une rationalisation simple et naturelle de phénomènes ayant lieu à des échelles extraordinairement différentes. Cette possibilité d'une mise à l'échelle spatiale et temporelle de la dynamique complexe des tremblements de terre permettra d'approfondir l'étude de leur dynamique et des paramètres qui influencent cette dernière, et donne un cadre pour développer des modèles minimaux expliquant l'origine des répliques. Ces résultats sont publiés dans les Geophysical Research Letters.

Les résultats scientifiques de CNRS Physique
Communiquer sur son résultat scientifique à CNRS Physique
Vous travaillez dans une unité rattachée à CNRS Physique ? Vous pouvez nous proposer vos résultats marquants pour communication. Retrouvez toutes les informations dans la fiche communiquer à CNRS Physique !