De la neige d’hydrogène pour voir les tourbillons quantiques

Résultat scientifique

Grâce à la visualisation de particules de dihydrogène, on peut suivre maintenant tout un réseau de tourbillons quantiques dans de l’Hélium 4 en rotation. L’observation de la dynamique de ces tourbillons établit un régime expérimental de référence pour consolider les descriptions de tous les fluides quantiques.

L'étude de la dynamique des tourbillons quantiques dans la phase superfluide de l’Hélium 4 liquide appelée « He II » est très prometteuse pour affiner les descriptions théoriques des fluides quantiques. Les condensats de Bose-Einstein, les étoiles à neutrons ou même les supraconducteurs présentent des tourbillons quantiques, dont les interactions sont un ingrédient clé de la dissipation de l’énergie dans ces systèmes. Les propriétés du champ de vitesse autour du cœur de ces objets sont quantifiées et, dans He II, ce cœur est aussi fin qu'un atome d'hélium... Ils ont été observés expérimentalement par des moyens indirects, tels que l'atténuation d’ondes acoustiques ou via leur interaction avec des électrons. De plus, au cours des vingt dernières années, l’ensemencement d'écoulements cryogéniques avec des particules s'est avéré être une méthode très efficace pour étudier ces tourbillons. Cependant, dans ces observations pionnières, d’une part la stabilité expérimentale, les conditions initiales, la stationnarité et la reproductibilité étaient peu contrôlées, d’autre part les analyses supposaient une dynamique bidimensionnelle dans des systèmes où elle était intrinsèquement 3D.

Dans un travail très récent, des chercheurs de l’Institut Néel (CNRS / Université Grenoble Alpes) ont visualisé directement ces tourbillons en utilisant un réservoir de superfluide tournant de façon stationnaire. Ils ont pu vérifier ainsi quantitativement la loi de Feynman liant la densité de tourbillons quantiques à la vitesse de rotation imposée au système, démontrant ainsi expérimentalement que les flocons d'hydrogène sont de bons traceurs de tourbillons quantiques pour les cas stationnaires. Les réseaux de vortex observés sont analogues aux réseaux d'Abrikosov que l'on trouve dans les supraconducteurs et les condensats de Bose-Einstein.

De plus, ces réseaux alignés avec l'axe de rotation peuvent jouer le rôle d'une condition initiale bien définie et contrôlée pour des études de cas dynamiques. Ainsi, les chercheurs ont tiré parti de cette configuration stable en appliquant un flux de chaleur alternatif aligné avec l'axe de rotation. Dans le cas d’une amplitude modérée ils ont observé des ondes se propageant le long des tourbillons, qui conduisent à des interactions entre tourbillons quantiques aux amplitudes plus élevées. Cette succession de régimes définit un chemin contrôlé vers la turbulence quantique dans le 4He en rotation et une expérience de référence pour consolider les descriptions des fluides quantiques. Ce travail est publié dans la revue Science Advances.

Illustration Gibert
Figure : Cryostat tournant et explication de la mesure.
L'image A est une photo du cryostat tournant. Le diagramme B représente une tranche zoomée de la couche finale de la cellule expérimentale, qui est complètement remplie d'Hélium pendant les expériences. Il s'agit d'une coupole carrée allongée dotée de multiples ports optiques (2) (transparents pour le spectre de la lumière visible) à différents angles. Ceux-ci permettent à une nappe laser (3) d'éclairer une tranche verticale du volume expérimental. Cette nappe laser permet d'éclairer des particules solides de dihydrogène. Dans le cas canonique d'une rotation constante, un réseau de tourbillons se forme à l'intérieur du canal. Le diagramme C est agrandi pour montrer le réseau hexagonal de tourbillons quantiques (8). Les cylindres verticaux blancs sont une représentation des cœurs des tourbillons. Pour une meilleure lisibilité, ils ne sont pas à l'échelle et sont coupés horizontalement. La photographie expérimentale (9) est un ordre de grandeur plus grand que la réalité (ici l'image expérimentale a une largeur d'environ 1,4 mm, les axes étant égaux, alors que le canal a une largeur de 2 cm).

 

Références

Direct visualization of the quantum vortex lattice structure, oscillations, and destabilization in rotating 4He, Charles Peretti, Jérémy Vessaire, Émeric Durozoy, Mathieu Gibert, Science Advances, publié le 28 juillet 2023.
Doi :
10.1126/sciadv.adh2899
Archive ouverte : HAL

Contact

Mathieu Gibert
Chargé de recherche CNRS, Institut NEEL (NEEL)
Communication CNRS Physique