Contrôler les électrons dans les accélérateurs laser-plasma

Résultat scientifique

Des chercheurs et des chercheuses sont parvenus à contrôler la trajectoire des électrons issus de l’interaction entre un laser femtoseconde (10-15s) et un plasma en modifiant la forme du champ électrique du laser. Ils confirment ainsi des simulations numériques réalisées en 2021.

L'accélération par sillage laser permet de construire des accélérateurs de particules très compacts de type laser-plasma, avec de nombreuses applications en physique des particules, en physique du solide et en médecine. Pour cela, une impulsion laser extrêmement courte et intense est envoyée dans un jet de gaz (voir figure). Le front de l'impulsion est suffisant pour ioniser immédiatement les atomes du gaz, créant ainsi un plasma. La partie principale de l'impulsion est ensuite si intense qu'elle expulse tous les électrons du plasma, créant un sillage dans la densité électronique à l’arrière de l'impulsion laser, un peu comme le sillage de l'eau derrière un bateau. Dans certaines circonstances, les électrons commencent à « surfer » sur ce sillage et sont accélérés jusqu'à atteindre des vitesses proches de celle de la lumière.

Normalement, ce processus est décrit à l'aide de l'approximation dite « pondéromotrice », dans laquelle l'interaction entre le laser et le plasma est moyennée sur le cycle optique de l'onde lumineuse laser. Il ne dépend donc que du profil d'intensité du laser. Cependant, si l'on utilise une impulsion d’une durée presque aussi courte qu'un seul cycle optique, cette approximation n'est plus valable. La forme du sillage du plasma devient asymétrique et dépend alors de la forme précise du champ électrique de l'impulsion laser. Cette forme est déterminée par un paramètre appelé la phase porteuse-enveloppe (CEP), qui correspond aux oscillations du champ électrique de l’impulsion. À l'aide de simulations numériques, des chercheurs et des chercheuses du Laboratoire d’optique appliquée (LOA, CNRS/ENSTA Paris/Ecole Polytechnique) ont montré, dans une étude précédente publiée dans Physics of Plasmas [1], que cette asymétrie peut entraîner l’injection du faisceau d'électrons hors de l'axe, et son oscillation de haut en bas dans le plan du champ électrique du laser (voir vidéo).

Dans cette nouvelle étude [2], les scientifiques ont mis en évidence cet effet expérimentalement (voir figure). Il leur a fallu dans un premier temps obtenir une impulsion laser d’une durée extrêmement courte, seulement 3,5 femtosecondes. Ils ont ensuite observé qu’en modifiant la CEP, il est possible de faire varier l'angle avec lequel le faisceau d'électrons quitte l’accélérateur. Cette observation a nécessité un contrôle remarquable de tous les paramètres de l’expérience : une variation d’1% de la pression du gaz aurait suffi à invalider les résultats.

En conclusion, les chercheurs ont bien prouvé l’effondrement de la validité de l'approximation pondéromotrice, et ce pour la première fois dans le domaine des accélérateurs laser-plasma. Une analyse détaillée de cet effet dans des simulations suggère qu'il pourrait être utilisé pour contrôler très précisément l'injection de paquets d'électrons ultracourts dans les accélérateurs laser-plasma. Ces résultats sont publiés dans Physical Review X.

 

Huijts Faure
Légende : Principe de l’expérience. A) Un faisceau laser intense est envoyé sur un jet de gaz. Le gaz est ionisé. Les électrons arrachés sont alors accélérés à des vitesses relativistes. Un écran phosphorescent permet de visualiser le faisceau d’électrons. B) Position du faisceau d'électrons dans le plan de polarisation (y, rouge) et dans le plan perpendiculaire (x, bleu). C) Images du faisceau d’électrons sur l’écran correspondant au trois points (haut, centre, bas) de la courbe rouge.

 

Simulation d'un accélérateur laser-plasma | Rush de recherche

Simulation d'un accélérateur laser-plasma avec une impulsion laser de 3 femtosecondes seulement. Le profil d'intensité de l'impulsion est tracé en bleu, le champ électrique en rouge. Quand l'impulsion laser entre dans le plasma (30 fs) elle en expulse les électrons, créant ainsi une onde de sillage dans la densité électronique du plasma (en vert). Cette onde est asymétrique et oscille avec l'évolution de la phase entre le champ électrique du laser et le profil d'intensité (150-300 fs). Le faisceau d'électrons accélérés (couleurs de violet à jaune en fonction de l'énergie finale des électrons) est injecté hors-axe et oscille dans le plan du champ électrique du laser.

Audiodescription

Références

[1] Identifying observable carrier-envelope phase effects in laser wakefield acceleration with near-single-cycle pulses. Julius Huijts, Igor A. Andriyash, Lucas Rovige, Aline Vernier, et Jérôme Faure, Physics of Plasmas, paru le 02 avril 2021.
DOI : doi.org/10.1063/5.0037925
Archives ouvertes HAL 

[2] Waveform Control of Relativistic Electron Dynamics in Laser-Plasma Acceleration. Julius Huijts, Lucas Rovige, Igor A. Andriyash, Aline Vernier, Marie Ouillé, Jaismeen Kaur, Zhao Cheng, Rodrigo Lopez-Martens, and Jérôme Faure, Physical Review X, paru le 24 février 2022.
DOI : doi.org/10.1103/PhysRevX.12.011036
Archives ouvertes arXiv 

Contact

Julius Huijts
Chercheur CNRS, Laboratoire d’optique appliquée
Communication CNRS Physique