Accélérer la vitesse d’écriture sur mémoire magnétique

Résultat scientifique

Des chercheurs et des chercheuses ont retourné l’aimantation d’un film magnétique à l’aide d’une impulsion électrique de seulement 10-12 secondes. Cela ouvre la voie à l’enregistrement de données à très grande vitesse.

L’électronique de spin, combinant l’électronique et le magnétisme, a débuté en 1988 par la découverte de la magnétorésistance géante. Depuis, des phénomènes nouveaux ont été mis en évidence, comme le renversement de nanoaimants par l’action seule d’un courant électrique. Ces deux phénomènes ont eu d’importantes retombées technologiques, comme la mise au point de capteurs de champ magnétique, utilisés notamment dans les têtes de lecture des disques durs et les mémoires magnétiques tout solide (MRAM). Ces dernières offrent l’avantage de la non-volatilité de l’information : la mémoire n’est pas perdue quand le système est éteint. Cela représente donc une possible solution pour la diminution de la consommation électrique de nos mémoires dites vives (celles proches du processeur). Cependant, à l’heure actuelle, la mémoire MRAM reste encore trop lente en écriture, le renversement d’un nanoaimant pour l’écriture prenant un temps de l’ordre de la nanoseconde.

Les travaux réalisés par des scientifiques de l’Institut Jean Lamour (IJL, CNRS/Univ. de Lorraine), du Centre de nanosciences et de nanotechnologies (C2N, CNRS/Univ. Paris-Saclay) et des universités de Berkeley et de Riverside aux États-Unis, démontre la possibilité de multiplier par presque 100 la vitesse d’écriture d’une information magnétique, pour atteindre des durées de seulement quelques picosecondes. Pour cela, les chercheurs et les chercheuses ont généré des impulsions électriques de 6 picosecondes à l’aide d’interrupteurs optoélectroniques actionnés par une impulsion laser, et les ont injectées dans un empilement mince de platine, cobalt, cuivre et tantale. Le résultat : un retournement complet de l’aimantation après le passage d’une seule impulsion de courant, la direction d’aimantation finale étant déterminée par la polarité du courant. Les scientifiques attribuent l’origine du retournement à un mécanisme connu sous le nom de couple de spin-orbite. De plus, selon leurs estimations, dans ce régime ultra-rapide, le chauffage dû au passage du courant peut même faciliter le retournement de l’aimantation. Les premières estimations du coût énergétique par opération sont très prometteuses. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Electronics.

Ces techniques expérimentales sont en rupture avec les techniques conventionnelles, et devraient permettre d’améliorer notre compréhension de l’électronique de spin, tout en accélérant la vitesse d’écriture des MRAM actuelles.

Gorchon_2020
Image de microscope de l’échantillon type, qui permet la génération d’impulsions électriques picosecondes et leur injection dans les structures magnétiques.

 

Référence

Spin–orbit torque switching of a ferromagnet with picosecond electrical pulses.
Kaushalya Jhuria, Julius Hohlfeld, Akshay Pattabi, Elodie Martin, Aldo Ygnacio Arriola Córdova, Xinping Shi, Roberto Lo Conte, Sebastien Petit-Watelot, Juan Carlos Rojas-Sanchez, Gregory Malinowski, Stéphane Mangin, Aristide Lemaître, Michel Hehn, Jeffrey Bokor, Richard B. Wilson & Jon Gorchon, Nature Electronics, le 29 octobre 2020.
DOI: 10.1038/s41928-020-00488-3
Article disponible sur les bases d’archives ouvertes HAL et arXiv

Contact

Jon Gorchon
Chercheur au CNRS, Institut Jean Lamour
Communication CNRS Physique