Cartographie électrostatique à temps longs des charges de surface déposées dans le sillage d’une goutte d’eau glissant sur un solide hydrophobe.
Cartographie électrostatique à temps longs des charges de surface déposées dans le sillage d’une goutte d’eau glissant sur un solide hydrophobe. © Les auteurs

Flaques ioniques : la glisse des ions aux interfaces

Résultat scientifique

Des scientifiques viennent de démontrer que les ions, ces espèces chargées que l’on rencontre le plus souvent en solution, peuvent aussi se retrouver confinés à la surface d’un solide dans un état hydraté formant des « flaques ioniques », grâce auquel ils explorent la surface avec une rapidité surprenante.

Références :

Giant mobility of surface-trapped ionic charges following liquid tribocharging, Zouhir Benrahla, Tristan Saide, Louis Burnaz, Emilie Verneuil, Simon Gravelle, Jean Comtet, Proceedings of the National Academy of Sciences 122 (37) e2505841122 – Publié le 9 septembre 2025.
DOI : 10.1073/pnas.2505841122
Archives ouvertes : arXiv 

La triboélectricité regroupe l’ensemble des phénomènes par lesquels le frottement ou le contact entre objets solides entraîne le dépôt ou la séparation de charges électriques à leurs surfaces. Bien que ces phénomènes soient observables dans notre quotidien (par exemple lorsque l’on frotte un ballon contre des cheveux, un ensemble de manifestations que l’on regroupe communément sous le nom « d’électricité statique »), leurs mécanismes restent mal compris.

De manière surprenante, ce phénomène peut également se produire non pas lors du frottement de deux solides, mais entre un liquide et un solide, notamment lorsqu’une goutte d’eau glisse sur une surface hydrophobe. Ce phénomène de « tribo-électrification liquide » suscite un intérêt croissant depuis quelques années, car il influence fortement la dynamique de glissement des gouttes et pourrait conduire à des applications dans la génération d’énergie. Si la mesure de la charge acquise par les gouttelettes est relativement aisée, la nature et la dynamique des charges de signe opposé déposées à la surface restent en revanche mal comprises à ce jour.

Ces recherches ont été menées dans les laboratoires CNRS suivants :

  • Sciences et Ingénierie de la Matière Molle (SIMM, CNRS/ESPCI Paris - PSL/Sorbonne Université)

  • Laboratoire interdisciplinaire de physique de Grenoble (LIPhy, CNRS/Université Grenoble Alpes)

De nouvelles expériences menées par des scientifiques, combinant une cartographie spatiotemporelle du profil de charges à la surface du solide et des simulations de dynamique moléculaire, ont révélé la nature et la dynamique très particulières de ces charges. En modulant les ions présents dans les gouttes, les chercheurs et chercheuses ont d’abord confirmé que le mécanisme de chargement provient d’ions initialement adsorbés à l’interface solide/liquide, qui se retrouvent piégés à la surface du solide. De façon surprenante, ils et elles ont alors observé que ces charges de surface, d’abord confinées au sillage de la gouttelette, diffusent et s’étendent à l’ensemble de la surface à une vitesse remarquablement élevée, pouvant dépasser celle de ces mêmes ions en phase aqueuse. Ce processus de diffusion de surface ne dépend pas de la densité d’ions déposés, le processus étant ainsi dominé par les interactions entre les charges et le substrat, tandis que les charges n’interagissent presque pas entre elles, du fait d’une relativement faible densité de charge. Cette hypothèse a pu être confirmée grâce à des simulations de dynamique moléculaire d’ions hydratés adsorbés sur des surfaces hydrophobes modèles qui ont montré que dans cet état très particulier, la mobilité ionique est limitée essentiellement par le frottement interfacial entre l’enveloppe de solvatation de l’ion adsorbé et la surface solide. 

Ces résultats mettent en évidence un nouvel état de la matière, dit de « flaque ionique », formé par des ions hydratés piégés sur des surfaces solides. Le caractère très particulier de ces flaques chargées pose de nombreuses questions reliées aux interactions et dynamiques ioniques à l’échelle moléculaire. Ils apportent aussi un nouvel éclairage pour la compréhension de la triboélectrification des solides, dont l’origine trouverait sa source dans le transfert de films d’eau nanométriques chargés, similaires à ceux mis en évidence ici.
Ces travaux sont publiés dans les Proceedings of the National Academy of Sciences.

Figure : Cartographie électrostatique (temps courts à gauche, temps longs à droite) des charges de surface déposées dans le sillage d’une goutte d’eau glissant sur un solide hydrophobe. Leur diffusion latérale au cours du temps révèle une mobilité remarquablement élevée.
Figure : Cartographie électrostatique (temps courts à gauche, temps longs à droite) des charges de surface déposées dans le sillage d’une goutte d’eau glissant sur un solide hydrophobe. Leur diffusion latérale au cours du temps révèle une mobilité remarquablement élevée. © Les auteurs

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Contact

Jean Comtet
Chercheur du CNRS au laboratoire Sciences et Ingénierie de la Matière Molle (SIMM)
Communication CNRS Physique