Ce qui rend la matière stable
Des chercheurs ont visualisé pour la première fois l’effet direct du principe d'exclusion de Pauli, une caractéristique fondamentale de la mécanique quantique qui permet entre autres à la matière ordinaire d’être stable, et détermine la façon dont notre monde se structure en dotant les interactions entre atomes de caractéristiques uniques.
Références :
Quantum Gas Microscopy of Fermions in the Continuum, Tim de Jongh, Joris Verstraten, Maxime Dixmerias, Cyprien Daix, Bruno Peaudecerf, Tarik Yefsah, Physical Review Letters 134, 183403 – Publié le 5 mai 2025.
A Glimpse at the Quantum Behavior of a Uniform Gas, M. Parish, Physics, 18, 89 (2025).
Doi : 10.1103/PhysRevLett.134.183403
Archives ouvertes : arXiv
Les électrons, protons et neutrons, qui constituent les principaux éléments constitutifs de la matière qui nous entoure, ont un point commun : ce sont des fermions. Ces particules sont dotées d'une propriété très singulière, à savoir qu’il est absolument impossible d'en trouver deux dans le même état physique. Cette caractéristique des fermions est appelée principe d'exclusion de Pauli, du nom du célèbre physicien Wolfgang Pauli, qui l’a formulé explicitement il y a exactement un siècle, ce qui lui a valu le prix Nobel vingt ans plus tard. Cette règle, constatée mais non démontrée, est constitutive de la mécanique quantique et est essentielle pour comprendre le monde qui nous entoure. Ainsi, c’est elle qui empêche la matière de s'effondrer, explique les propriétés des semi-conducteurs et dicte la structure de la classification périodique. Cependant, comme le principe de Pauli concerne des échelles d’énergie et de longueur extraordinairement petites, il n’avait jusqu’à présent été observé qu’indirectement, via les effets qu’il induit aux échelles plus macroscopiques de la matière.
Ces recherches ont été menées dans les laboratoires CNRS suivants :
Laboratoire Kastler Brossel (LKB, CNRS/Collège de France/ENS-PSL/Sorbonne Université)
Laboratoire Collision Agrégats Réactivité (LCAR, CNRS/Université de Toulouse)
Dans une étude publiée récemment, des scientifiques du Laboratoire Kastler Brossel (LKB, CNRS/Collège de France/ENS-PSL/Sorbonne Université) ont révélé les images les plus claires jamais réalisées de l'exclusion de Pauli directement en action aux échelles atomiques. Ils ont utilisé des nuages de centaines d'atomes de 6Li (des fermions) refroidis à des températures proches du zéro absolu. Ces basses températures rendent les propriétés quantiques des particules observables, qui sinon seraient masquées par leur agitation thermique. L'équipe a utilisé une technique qu’elle a récemment mise au point pour imager les ondes quantiques. En laissant d'abord les atomes évoluer librement dans l'espace, puis en les immobilisant dans un réseau optique — des « cages » microscopiques régulièrement espacées créées par la lumière laser, les scientifiques ont pu directement prendre une photographie du système fermionique, en enregistrant la position de chaque atome. Ce mode opératoire a directement révélé le principe d'exclusion de Pauli « en action », car les analyses statistiques des configurations montrent que les atomes s'évitent les uns les autres et donnent une signature statistique en parfaite conformité avec ce que la théorie quantique prévoit.
Dans le système qu’ils ont étudié, l'exclusion de Pauli était la seule interaction possible entre les atomes, révélant ses effets de la manière la plus pure qui puisse s’envisager. L'équipe a examiné les corrélations entre les positions de deux et trois particules, révélant une baisse significative du nombre de paires et de triplets d'atomes se trouvant à courte distance les uns des autres, une propriété appelée « trou de Pauli » et considérée comme une signature non ambigüe du principe du même nom.

Grâce à leur technique, les chercheurs peuvent désormais étudier des systèmes nettement plus compliqués, comme des assemblées de fermions en interaction forte, où le principe d'exclusion de Pauli se retrouve en concurrence avec les collisions de particules. En étant capable de prendre des images directes des configurations de leur gaz, cette méthode leur permettra de mesurer le comportement de systèmes fermioniques tellement complexes que même les superordinateurs les plus puissants ne parviennent pas à les simuler. Ce travail a été sélectionné comme Editor’s Suggestion dans les Physical Review Letters, où il est publié en couverture. Il a fait par ailleurs l'objet d'une recension dans la revue Physics de l’APS.
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