Faire coexister le magnétisme et la ferroélectricité dans un conducteur, c’est possible !
Découvrez en détails un résultat scientifique de Manuel Bibes
Directeur de recherche CNRS au Laboratoire Albert Fert (CNRS / Thales / Université Paris-Saclay) à Palaiseau, Manuel Bibes est l’un des pionniers de l’oxytronique, un domaine à la croisée de la physique des matériaux, de la matière condensée et de l’électronique. Il étudie les oxydes, une famille de matériaux capables de combiner plusieurs propriétés physiques, comme le magnétisme, la ferroélectricité ou la supraconductivité. En empilant les types d’oxydes sous forme de couches très fines, Manuel Bibes et son équipe explorent ainsi leurs propriétés, notamment aux interfaces où de nouveaux états électroniques bidimensionnels peuvent apparaître. Ces phénomènes ouvrent la voie à des composants pour la spintronique, plus compacts, plus rapides, et potentiellement moins gourmands en énergie. Manuel Bibes a ainsi attiré l’attention d’Intel pour la mise au point de nouveaux composants logiques à base d’oxydes. Il a cofondé en 2024 la start-up NELLOW, avec l’ambition de transformer les découvertes issues du laboratoire en technologies pour l’électronique de demain et d’après-demain.
Dans les oxydes, un simple changement de composition peut faire apparaître des propriétés physiques très différentes : magnétisme, supraconductivité, ferroélectricité… Cette richesse fonctionnelle est au cœur du travail de Manuel Bibes, qui explore depuis plus de vingt ans les phénomènes émergents à l’interface entre couches d’oxydes ultraminces. Certaines combinaisons donnent naissance à des phases électroniques inédites, bidimensionnelles, très sensibles aux stimuli externes. « Ce sont des zones où la matière se comporte différemment, avec des réponses parfois géantes à un champ électrique ou magnétique », explique-t-il.
Formé à l’INSA de Toulouse, il effectue une thèse entre Barcelone et l’INSA, avant d’être recruté par le CNRS en 2003. Depuis 2007, il développe ses recherches au sein du Laboratoire Albert Fert, à Palaiseau. Parmi ses contributions majeures : la mise en évidence d’un effet Hall topologique dans des couches de manganites, l’observation d’un effet tunnel d’électrorésistance à température ambiante dans des jonctions tunnel ferroélectriques, et l’exploitation de l’effet Rashba-Edelstein pour convertir des courants de spin en courants électriques et vice-versa. Autant de résultats qui nourrissent les avancées en spintronique et en électronique non-volatile.
Attaché à faire dialoguer expérience et théorie, Manuel Bibes s’appuie sur des collaborations avec des physiciens théoriciens pour guider ses choix de matériaux et interpréter les résultats. En parallèle, il travaille avec des industriels, notamment Thales et Intel, et vient de cofonder NELLOW, une start-up qui développe de nouvelles architectures de puces à très basse consommation.
Malgré un emploi du temps de plus en plus chargé, le chercheur continue d’encadrer des doctorants. « Le moment que je préfère dans ma semaine, c’est quand je discute des résultats avec un étudiant ou un post-doc, confie-t-il. J’essaie aussi de les guider dans leur parcours, qu’ils se dirigent vers la recherche ou l’industrie. » Une manière de transmettre la méthode scientifique, et d’assurer la relève.
Depuis les années 1960, les composants microélectroniques ont été miniaturisés par un facteur 10 millions pour atteindre des dimensions de l’ordre de la dizaine d’atomes auxquelles leur fonctionnement se heurte à des limites fondamentales. Cela entraîne des échauffements et accroît fortement la consommation électrique des puces, qui représente d’ores et déjà près de 10 % de la production d’électricité mondiale. Le consensus atteint par la communauté microélectronique est que pour réduire cette consommation (i) la mémoire et les unités logiques doivent être réunies dans un même composant (« logic-in-memory ») et (ii) les propriétés non volatiles inhérentes aux matériaux ferroïques sont un atout précieux pour éviter la consommation d'énergie statique. Issu de l’ERC FRESCO, le projet PoC UPLIFT propose de développer un composant non-volatil logic-in-memory ultra-sobre en énergie basé sur le spin et la ferroélectricité, appelé FESO. UPLIFT vise à soutenir une trajectoire bien définie vers l'exploitation commerciale en s’appuyant sur une collaboration de dix ans entre le PI et deux chercheurs de Spintec à Grenoble, avec lesquels le PI lance une start-up qui exploitera le portefeuille de brevets déposé notamment au sein de FRESCO. ULPIFT servira à la fois de support et d’accélérateur pour la start-up, qui sera créée au premier trimestre 2024.
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