Vers un nouveau nanomatériau pour dessaler l’eau de mer
Des simulations numériques ont montré que le nitrure de bore hexagonal constitue un matériau nanoporeux très efficace pour le dessalement de l’eau de mer à moindre coût. Ce résultat a débouché sur la réalisation de membranes en cours de test.
De nos jours, le dessalement est devenu une solution tout à fait abordable pour faire face au manque d’eau douce dans de nombreuses régions du globe. Le cœur du procédé de dessalement est basé sur la technologie d’Osmose Inverse (OI). Bien qu’elle ait prouvé son efficacité, elle reste relativement coûteuse car il faut injecter l’eau à de très fortes pressions pour compenser la faible perméabilité des membranes très denses de polymères d’OI.
De nombreux matériaux ont été développés afin de contourner ce problème, comme les nanotubes de carbone ou les membranes nanoporeuses de graphène. Mais si les matériaux bidimensionnels (2D) comme le graphène ou le disulfure de molybdène sont très étudiés pour ces applications, le nitrure de bore hexagonal (hBN), qui présente une tenue mécanique supérieure à celle du graphène (condition indispensable dans les procédés d’OI), n’a jamais été considéré comme membrane potentielle.
C’est désormais chose faite. Des chercheurs de l’Institut de physique de Rennes (IPR, CNRS/Univ. Rennes 1) et de l'Institut des sciences chimiques de Rennes (ISCR, CNRS/Univ. Rennes 1/INSA Rennes/ENSC Rennes), en collaboration avec l’université de Sherbrooke au Canada, ont utilisé des simulations de type dynamique moléculaire afin de démontrer que les membranes de nitrure de bore nanoporeuses permettaient une augmentation drastique de la perméabilité. Elles surpassent de plusieurs ordres de grandeur celle des membranes actuelles. Et leur capacité à retenir les ions avoisine les 100 %. Les chercheurs ont également montré que la membrane possédant la plus petite taille de pore (8 Angström de diamètre) présentait les propriétés de transport les plus intéressantes. En effet, les molécules d’eau se disposent dans ce cas en « file indienne » et passent ainsi plus facilement l’ouverture que si elles se présentaient de façon désordonnée. Quant à l’excellente rétention des ions, elle vient du fait que leur passage à travers la membrane nécessiterait qu’ils soient déshydratés auparavant. Or, ce processus a un coût énergétique élevé, le système privilégie donc plutôt le blocage des ions d’un côté de la membrane, plus économe que la déshydratation.
Ces conclusions issues de simulations numériques ont ouvert la voie à une démonstration de faisabilité. Une membrane en nitrure de bore a d’ores et déjà été élaborée et est en cours de test. L’ensemble de ces résultats permet d’envisager de nouvelles applications dans les technologies de dessalement et de nanofiltration en général.

Référence
High water flux with lons Sieving in a desalination 2D sub-nanoporous boron nitride material
X. Davoy, A. Gellé, J.-C. Lebreton, H. Tabuteau, A. Soldera, A. Szymczyk et A. Ghoufi
ACS Omega, 3 (6), pp 6305–6310, (2018)
DOI : 10.1021/acsomega.8b01076