Quand un barrage de photons cède dans une fibre optique

Résultat scientifique

Des physiciens ont observé que la rupture d’un barrage de photons dans une fibre optique présente une analogie rigoureuse avec celle d’un barrage en hydrodynamique. Ces travaux constituent la première observation expérimentale de prévisions théoriques faites par le mathématicien G.B. Whitham.

Des chercheurs du laboratoire Physique des lasers, atomes et molécules (PhLAM, CNRS/Univ. Lille 1), en collaboration avec l’Université Ferrara en Italie, ont observé l’apparition d’une onde de choc et d’une onde de raréfaction lors de la rupture d’un barrage de photons dans une fibre optique. Ces signatures sont typiques d’ondes engendrées lors d’une rupture d’’un barrage en hydrodynamique, telles que présentées dans la théorie de la modulation de Whitham.

Pour réaliser ces observations, les chercheurs se sont placés dans un régime de fonctionnement où la dynamique du système optique est régie par l’équation de Schrödinger non linéaire défocalisante, qui décrit aussi la propagation d’ondes en eaux peu profondes.

En injectant à l’entrée de la fibre optique un signal présentant une variation brutale d’intensité (Fig. 1(b)), on obtient une analogie directe avec un barrage en hydrodynamique présentant deux niveaux distincts de fluide (Fig 1(a), partie de droite de l’image entourée par une ellipse rouge où le barrage est intact). En se propageant dans la fibre optique, on observe alors la dynamique engendrée lors de la rupture d’un barrage (Fig.1(a), partie gauche de l’image entourée par une ellipse verte où le barrage est rompu et Fig. 1(c)).

La figure 1(c) montre clairement l’apparition d’une onde de choc, caractérisée par une oscillation rapide et d’une onde de raréfaction reliée par un plateau, comme le prédit la théorie de Whitham, en excellent accord avec les simulations numériques (traits verts).

La grande souplesse de ce système expérimental a permis de mener cette étude sur une large gamme de régimes, par exemple un régime particulier ou, au milieu de ces faisceaux lumineux très intenses, une zone d’ombre se forme. En hydrodynamique, il s’agit d’un point où la pression est nulle. Les chercheurs ont également étudié le cas où la variation d’intensité en entrée est très importante, (il est possible de faire varier l’intensité relative entre deux paliers de 1 à 20). Ainsi, au-delà d’une valeur critique de variation, un état d’auto-cavitation (instant où l’intensité lumineuse s’annule) a même été rapporté pour la première fois, là encore en excellent accord avec les prévisions issues de la théorie de Whitham.

Ces observations ont nécessité d’une part la mise en place d’un système original de compensation des pertes dans la fibre optique, et d’autre part un oscilloscope à échantillonnage optique afin d’atteindre des résolutions temporelles de l’ordre de la picoseconde, condition indispensable pour observer ces phénomènes.

Ces travaux, qui ont été publiés dans la revue Physical Review Letters, se démarquent complètement d’autres études réalisées dans des systèmes physiques où la dynamique est régie par l’équation de Schrödinger non linéaire. Ici, il est en effet possible d’ajuster finement les conditions initiales afin d’étudier un cas particulier du problème de Riemann, posé au XIXe siècle, consistant à trouver des solutions à un système complexe d’équations aux dérivées partielles. Et grâce à sa relative simplicité et sa grande souplesse, ce système physique permettra de réaliser une première étude expérimentale complète de ce problème.

Comme sa dynamique est régie par l’équation de Schrödinger non linéaire, l’ensemble des conclusions pourront être étendues à un grand nombre d’autres domaines de la physique, comme les atomes froids ou l’hydrodynamique par exemple, domaines dans lesquelles les études expérimentales sont plus complexes à mettre en œuvre et à contrôler.

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En savoir plus

Pour aller plus loin, lire l’article de The conversation"Et soudain, le barrage se rompit, laissant jaillir les grains de lumière…"

Dispersive dam‐break flow of a photon fluid 
G. Xu, M. Conforti, A. Kudlinski, A. Mussot et S. Trillo 
Physical Review Letters (2017), doi:10.1103/PhysRevLett.118.254101 
Consulter l’article sur la base d’archives ouvertes arXiv

Laboratoire Physique des lasers, atomes et molécules (PhLAM, CNRS/Univ. Lille 1)

Contact

Matteo Conforti
Chercheur au PhLAM
Arnaud Mussot
Enseignant-chercheur Université de Lille, Physique des lasers, atomes et molécules (PhLAM)