Une cartographie des effets quantiques pour optimiser la mobilité dans les semi-conducteurs organiques
Le contrôle des effets de localisation quantique des électrons pourrait permettre d’améliorer les performances des semi-conducteurs organiques pour l’électronique, ouvrant la voie à des applications inédites.
L’électronique est dominée par l’industrie du silicium : ce matériau est la brique élémentaire à partir de laquelle sont construits les transistors et les microprocesseurs. Dans la recherche de technologies alternatives, les semi-conducteurs organiques moléculaires sont très prometteurs. Ces matériaux plastiques à base de carbone sont légers, flexibles. Ils peuvent être produits à faible coût énergétique et se déclinent dans une infinité de variantes microscopiques. Ces atouts les rendent très attrayants pour de nombreuses applications où le silicium est hors-jeu, comme par exemple la peau artificielle ou les vêtements photovoltaïques. Cependant, dès qu’on s’intéresse aux performances, l’inconvénient majeur est la mobilité très limitée des électrons dans ces composés. Les raisons fondamentales de cette lenteur ont été clarifiées seulement récemment.
Les mauvaises performances électriques de ces matériaux viennent précisément de leur flexibilité. Du fait des faibles forces de cohésion microscopiques régnant dans le matériau, les molécules elles-mêmes ne sont pas rigidement fixées les unes par rapport aux autres. Plus leurs mouvements sont amples, plus ils ralentissent la course des électrons, par des « chocs » qui en dévient la trajectoire. Ces chocs sont si fréquents dans la matière organique qu’ils peuvent alors « fixer » l’électron momentanément : ce phénomène purement quantique, dénommé « localisation transitoire », est le responsable ultime de la faible mobilité des électrons.
Une percée fondamentale pour contourner ce problème vient d’une étude théorique dirigée par S. Fratini à l’Institut Néel en collaboration avec A. Troisi à l’Université de Liverpool et S. Ciuchi à l’Université de l’Aquila, et publiée dans la revue Nature Materials. Certaines structures moléculaires seraient moins sensibles au désordre, et permettraient donc d’augmenter la mobilité des électrons en limitant l’effet de localisation transitoire. L’élément-clé pour comprendre le transfert des électrons dans les solides moléculaires est « l’intégrale de saut », le paramètre microscopique qui mesure le recouvrement des fonctions d’onde entre molécules voisines. Chaque structure moléculaire est caractérisée par des valeurs précises de ces intégrales dans les différentes directions. Or, il a été montré qu’il existe des combinaisons optimales de ces paramètres qui permettraient de minimiser les effets de localisation, permettant d’atteindre des valeurs de mobilité jusqu’à 10 fois supérieures à celles des principaux matériaux existants.
En plaçant les valeurs des intégrales de saut sur une sphère, les chercheurs disposent aujourd’hui d’une carte permettant de visualiser les combinaisons pour lesquelles la mobilité sera optimale. Ce protocole permet de rationaliser la recherche de nouveaux composés : en indiquant clairement où chercher les bons arrangements moléculaires, là où il fallait auparavant tester différentes cristallisations possibles de forme aléatoire, cette étude ouvre la voie à une nouvelle classe de matériaux performants pour l’électronique organique.

En savoir plus
A map of high mobility molecular semiconductors
S. Fratini, S. Ciuchi, D. Mayou, G. Trambly de Laissardière et A. Troisi
Nature Materials (2017), doi:10.1038/nmat4970
Informations complémentaires
Institut Néel, laboratoire CNRS associé à l’Université Grenoble Alpes et à Grenoble INP