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Alors que l’Unesco vient de lancer la Décennie pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030), découvrez sur ce blog un aperçu de la diversité des recherches menées au CNRS sur l’océan.
 

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Ce blog collaboratif rassemble des contributions issues des 10 instituts thématiques du CNRS.

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La physique de la fragmentation des plastiques dans l’océan : comprendre pour mieux lutter
06.07.2021, par Martin Galilée, journaliste
Mis à jour le 06.07.2021
De vastes quantités de déchets plastiques atteignent quotidiennement l’océan et s’y fragmentent progressivement en petites particules de toutes échelles, avec des conséquences pour le vivant encore méconnues. Appréhender cette pollution et ses effets requiert de comprendre la physique de la fragmentation des matières plastiques, jusqu’au nanométrique.

La pollution plastique de l’océan augmente continuellement, principalement charriée depuis les continents par les fleuves et les rivières. Il est aujourd’hui difficile d’en mesurer l’impact sur le vivant et les écosystèmes, car il dépend notamment de la concentration des particules de plastique de différentes tailles, issues de la fragmentation des déchets, classées en macro- (> 5mm), micro- (> 1 µm) et nanoplastiques (< 1 µm). « En calculant simplement sur la base de la quantité de matière, un seul sac plastique pourrait en théorie se décomposer en un million de milliards (1015) de nanoplastiques », note Matthieu George, maître de conférences à l’université de Montpellier et co-directeur du groupement de recherche Polymères & Océans porté par le CNRS. Les particules de plastique les plus petites sont potentiellement les plus dangereuses pour le vivant car elles franchissent plus facilement les membranes biologiques et peuvent être assimilées par les organismes.  Il est donc nécessaire d’étudier en détail les mécanismes physiques de fragmentation des matériaux pour pouvoir estimer et prédire les concentrations de particules de chaque taille, et leur impact sur les milieux.

Les plastiques sont principalement composés d’un arrangement de très longues molécules organiques, les polymères, associées à des additifs modifiant les propriétés du matériau final. En principe, la cinétique des réactions chimiques impliquant ces molécules est parfaitement connue, mais les polymères s’arrangent, à l’échelle micrométrique, de manière complexe. « À certains endroits, les molécules s’alignent pour former un cristal, alors qu’elles s’entremêlent ailleurs en ce que les physiciens nomment des phases amorphes », expose Éric Dargent, professeur à l’université de Rouen Normandie. « Il en résulte une microstructure semi-cristalline qui affecte les propriétés du polymère et donc de la matière plastique, et ceci même avec une composition chimique identique. »

La microstructure des polymères affecte notamment leur dégradation, c’est-à-dire la réaction chimique rompant les chaînes de carbone des molécules. Un polymère plus cristallin est ainsi plus durable dans l’océan, car l’eau, qui cause la dégradation des molécules par hydrolyse, diffuse davantage dans les phases amorphes. Des scientifiques, parmi lesquels É. Dargent, développent des techniques de pointe d’analyse des micro- et nanodéchets plastiques collectés sur le terrain ou générés en laboratoire, permettant entre autres d’en déterminer la proportion de phases amorphes et cristallines.  « L’un des objectifs principaux des physiciens et physiciennes, explique M. George, est donc de proposer des modèles de la dégradation impliquant bien sûr la cinétique de la réaction chimique, mais également les mécanismes physiques de fragmentation pour déterminer à toutes les échelles temporelles les différents produits de la dégradation.». Ce travail de modélisation contribue notamment au développement de plastiques biodégradables, c’est-à-dire qui peuvent être decomposés par des microorganismes en  éléments divers dépourvus d'effet dommageable pour les milieux naturels, envisagés comme une partie de la réponse à apporter à la pollution plastique de l’océan. Les enzymes responsables de la biodégradation sont par exemple bien plus efficaces dans les phases amorphes des polymères, ce qui affecte la vitesse de biodégradation du matériau et la taille des fragments qu’il produit. La vérification de la biodégradabilité totale de ces nouveaux plastiques passera donc par l’analyse de leur cycle de vie entier, incluant la genèse et le sort de leurs fragments les plus infimes, fruit de leur composition chimique comme de leur microstructure physique.

Microplastique

Microplastique © Alexandra Ter Halle/ IMRCP

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